Automobile, voyage, électronique : le low cost (bas coût) est partout et le matériel agricole n'échappe pas à la tendance. Le marché du tracteur est le premier concerné, avec l'arrivée depuis quelques années de modèles construits en Asie, en Croatie et en Pologne.

Le phénomène du tracteur « exotique » à prix sacrifié n'est pas totalement nouveau puisque les constructeurs de l'ex-bloc de l'Est ont tenté de percer sur le marché français dans les années quatre-vingt-dix.

Depuis, Universal, Ursus ou Belarus sont tombés aux oubliettes. Selon Axema (1), le low cost représenterait moins de 5 % des ventes de tracteurs neufs, contre moins de 1 % il y a cinq ans.

 

Low costLe japonais Kubota propose des tracteurs fiables à des prix très compétitifs. Dans le domaine du low cost, le meilleur cotoie souvent le pire.

 

 

Points forts Points faibles

• Prix d'achat compétitif, faible rapport puissance/prix.• Modèles de grandes marques.

• Valeur de revente.• Peu d'éléments de confort en dehors des options.

 

 

Coeur de gammeCes tracteurs, à l'exemple du Massey, représentent plus de 85 % des ventes en France. Les options ajustent le niveau de confort et de technologie.

 

 

Points forts Points faibles

• Fiabilité et performance technique.• Catalogue d'options fourni.

• Prix proche du haut de gamme en ajoutant les options.• Valeur de revente inférieure au haut de gamme.

 

 

Haut de gammeLe tarif de ces modèles freine les éventuels acquéreurs. La différence se retrouve en partie à la revente.

 

 

Points forts Points faibles

• Technologie et confort de conduite.• Valeur de revente élevée.

• Prix élevé à l'achat.• Difficulté de revente des modèles personnalisés.

 

Le grand écart technologique

 

Parallèlement, les ventes de tracteurs à 4 cylindres de haut de gamme de Fendt ou Lindner n'ont jamais été aussi importantes. Le constructeur allemand flirte ainsi avec les 9 % de parts de marché.

 

De leur côté, les tracteurs de coeur de gamme voient leurs catalogues d'options s'étoffer afin de décliner le même modèle depuis la version basique jusqu'au high-tech. Avec des écarts de prix pouvant atteindre 30 % entre deux versions.

Cinq facteurs de décision

1. Le prix d'achat

C'est le point fort du low cost. La mise de départ est faible, avec un prix du cheval autour de 400 euros sur les modèles chinois mais la négociation commerciale est inexistante.

En coeur de gamme, les prix ont augmenté de 10 % au cours des dernières années, en raison de l'évolution des moteurs. Une hausse qui se retrouve aussi sur le haut de gamme, qui part déjà avec un surcoût de 15 à 20 % par rapport aux modèles classiques.

2. La technologie

Avantage au haut de gamme qui justifie son surcoût par le confort de conduite et l'avance technologique.

Du côté du low cost, il faudra se contenter d'une cabine spartiate. Au niveau des performances, la DLG (2) a relevé des consommations un peu plus élevées sur les modèles de prix bas en raison d'une technologie moteur moins élaborée.

3. Les options

Low cost comme haut de gamme ne proposent que peu d'options. Le premier parce que ce n'est pas dans la vocation du produit et le second car il intègre déjà tous les éléments.

En coeur de gamme, il n'est pas rare de voir le prix d'un engin dépasser celui d'un tracteur haut de gamme une fois que le vendeur a ajouté toutes les options pour atteindre le même niveau technologique. Attention donc lors de la comparaison des devis.

4. La revente

Le marché de l'occasion pour les tracteurs de haut de gamme est dynamique. De nombreux concessionnaires estiment même que ces tracteurs sont surcôtés.

En coeur de gamme, le prix de revente dépend de la réputation de la marque, de l'état de l'engin et des options présentes.

Pour le low cost, les réseaux n'ont pas assez de recul pour évaluer la décote mais certains concessionnaires avouent qu'ils ne reprendront pas les machines trop bas de gamme.

5. La prise de risque

D'un salon à l'autre, les marques chinoises disparaissent aussi rapidement qu'elles apparaissent.

Pour plus de sécurité, les conseillers en machinisme recommandent de se tourner vers des firmes ayant pignon sur rue comme Kubota ou Zétor ou encore sur les modèles fabriqués en Asie des grandes marques comme Deutz-Fahr et John Deere. 

_____

(1) Syndicat des constructeurs et importateurs.

(2) Société des agriculteurs allemands.

 

Expert : CYRIL DURAND, conseiller à CER France Alliance Centre

 

« Le risque est la fuite en avant et le suréquipement »

« L'agriculteur a-t-il bien conscience de son coût de mécanisation et de l'évolution de cette charge ? En moyenne, le coût de la mécanisation est passé de 350 €/ha à 400 €/ha dans les exploitations de grandes cultures en seulement cinq ans !

Cet alourdissement des charges vient du renouvellement fréquent du matériel et de sa sophistication : ce qui était une option devient rapidement la norme, comme dans l'automobile. L'offre commerciale peut être pour du matériel packagé, déjà équipé, qui tend vers du haut de gamme.

Mais l'option est-elle en adéquation avec l'utilisation prévue ? Et saura-t-on la valoriser à la revente ? Le coût de revient n'est souvent pas le critère de choix d'un investissement… Il est d'abord fonction du profil de l'exploitant : innovant, pragmatique, hypertechnicien ou adepte du zéro risque. Il peut être aussi influencé par l'envie de défiscalisation, qui peut conduire au suréquipement !

C'est un cas fréquent dans les exploitations de taille moyenne de 150 ha. Le risque est d'être entraîné dans une « fuite en avant » du renouvellement et de se retrouver « coincé » avec des annuités trop importantes, comme en 2009.

La décision d'investir doit se réfléchir sur du long terme, en s'assurant que le produit de l'exploitation permette de couvrir la charge. La question est de savoir si le low cost va réellement limiter les coûts globaux d'investissement. Le marché de l'occasion, bien développé, est une alternative. »