En plein coeur de Bourg-lès-Valence, dans la Drôme, le lycée agricole du Valentin forme ses élèves en les plaçant « en situation professionnelle réelle », de la production jusqu'au stade de la commercialisation. La classe de première bac pro STAV (Science et technologie de l'agronomie et du vivant) a ainsi à sa disposition un potager pédagogique de quarante ares, avec une serre. « Nous y étudions les cycles de production des légumes et apprenons les bons gestes pour pouvoir les reproduire », explique une élève, Gladys Bertrand. « Cet atelier leur permet de découvrir concrètement des concepts agronomes complexes, comme la minéralisation des sols ou les systèmes de rotation, ajoute son professeur d'agronomie, Hervé Dumazel. Nous fonctionnons un peu comme un club. Les élèves sont responsables du potager et le gèrent eux-mêmes. »
Comme ses camarades, Elodie Reynaud vient y travailler en dehors de ses cours, à l'heure du déjeuner ou pendant les pauses. « Lorsqu'on est maraîcher, on ne s'occupe pas de son potager seulement quand il fait beau ou quand on est motivé », justifie-t-elle.
RESPECTER LES PLANNINGS DE LIVRAISON
Pour ce qui est de la commercialisation, un point de vente collectif a été installé l'an dernier à quelques pas du potager, en partenariat avec des agriculteurs des environs (lire l'encadré). Un débouché précieux pour les maraîchers en herbe ! « Les consommateurs viennent acheter nos produits directement au lycée », se réjouit Elodie. Les cultures sont mises en place en fonction des besoins du magasin. Les élèves se sont engagés à approvisionner toute l'année en salades, poireaux et choux. Ils livrent également, en quantité moindre, des radis et des herbes aromatiques.
Deux fois par semaine, les élèves prennent les commandes auprès de Fabien Clavé, directeur de l'exploitation du lycée et responsable du magasin. Ils déterminent ainsi les plannings de livraison. « Avant l'ouverture aux clients, les mercredis et vendredis, nous allons récolter les produits, nous les nettoyons et les mettons en caisse avant de les livrer », explique Gladys. Une partie de la marchandise est placée en chambre froide, l'autre directement en rayon, avec étiquetage réglementaire (origine, prix, variété...).
EXERCICE GRANDEUR NATURE
Les producteurs associés du magasin se sont habitués à la présence des lycéens. « Nos relations sont bonnes parce qu'ils se sont rendu compte que nous sommes sérieux, explique Gladys. Nous discutons beaucoup avec eux et nous profitons de leur expérience. » La fierté des élèves, c'est de vendre leur propre production, comme leurs aînés. Et leur plaisir : « Aller réalimenter le rayon en milieu de journée parce que tout est parti le matin ! C'est un grand motif de satisfaction », avouent-ils. Mais parfois, « ça ne marche pas ». Des radis piquants parce que ramassés trop tard, des salades envahies de pucerons... Et la sanction est immédiate : « Comme avec de vrais professionnels, nous refusons de vendre leur production si elle ne répond pas à nos exigences de qualité », rapporte le responsable du magasin. « On tente toujours de récupérer ce que l'on peut quand la récolte est mauvaise, en passant plus de temps à nettoyer, mais il y a toujours des pertes que nous devons assumer, explique Adrien Bret, l'un des élèves. C'est un manque à gagner. » Pour leur professeur d'agronomie, « cet exercice grandeur nature leur permet d'appréhender la prise de décision dans l'entreprise et les risques encourus. »
De même, la classe doit faire face aux réalités commerciales : « Le magasin prend 15 % sur les ventes, pour les agriculteurs comme pour les élèves, au titre des frais de fonctionnement, détaille Fabien Clavé. Il faut ensuite retirer la TVA (5,5 %) avant de leur restituer le gain. Au début, les élèves avaient du mal à comprendre pourquoi ils ne recevaient qu'un euro cinquante alors qu'ils voyaient leur produit vendu deux euros en rayon ! » Les ventes devraient rapporter à la classe entre 1 500 et 2 000 euros dans l'année. De quoi aider au financement d'un voyage d'études en Irlande.