En Lozère, l'eau est rare. Tellement rare que certains maires, en charge de la gestion de l'eau dans leur commune, sont contraints de fermer le robinet qui approvisionne les stabulations. « C'est arrivé une seule fois, en 2007, explique Virginie Durand, à la tête, avec son époux Sébastien, de cinquante vaches laitières et de dix limousines à Gabrias. Mais le déficit en eau est chronique dans notre commune. C'est pourquoi nous nous intéressons à la récupération des eaux de pluie depuis longtemps. En 2006, si nous n'avons pas pu intégrer ce système lors de la construction de notre nouveau bâtiment, c'est seulement pour des raisons de coût. »

Pas étonnant donc que, deux ans plus tard, les deux associés acceptent la proposition de l'Astaf (1) et du Copage (2) pour participer à une opération pilote. Ils se sont engagés pour étudier un système de récupération des eaux de toiture pour l'abreuvement de leur cheptel. Le but étant de tester le processus de conservation de l'eau.

Situation tendue

Cette étude est partie du constat que les unités de production d'eau sont souvent déficitaires. En Lozère, la consommation des élevages représente une part importante des besoins en eau des communes. A Gabrias, par exemple, en période de pointe, la consommation du cheptel est deux fois plus élevée que celle des habitants (42 m3 par jour, contre 21 m3).

Le débit d'étiage de la ressource est de 57,6 m3 par jour. Cette situation est aussi un frein au développement économique et à l'accueil de nouvelles familles. Ainsi, la récupération des eaux de pluie apparaît comme une solution pour soulager le réseau.

Une eau d'abreuvabilité

« La récupération des eaux de pluie est une pratique ancienne dans nos montagnes, où l'eau souterraine est rare, rappelle Jean-Charles Commandré, de l'OIER-Suamme (3). Même si cette eau n'est pas toujours potable, car ce terme implique une qualité physico-chimique très stricte, elle présente des qualités d'abreuvabilité pour les ruminants. En tout cas, rien dans la réglementation n'interdit d'utiliser cette eau pour l'abreuvement des ruminants. »

Conserver une bonne qualité

L'eau de pluie n'est pas toxique, encore faut-il qu'elle conserve cette qualité jusqu'à l'abreuvoir. « Il convient donc de récolter, puis de stocker l'eau dans de bonnes conditions, insiste Jean-Charles Commandré. Il est conseillé d'utiliser des cheneaux. Ceux en zinc sont plus chers que les modèles en plastique, mais leur durée de vie est beaucoup plus longue. Pour le stockage, la cuve en béton s'impose, car l'eau doit être à l'abri des UV et à température constante. Le béton permet par ailleurs de neutraliser l'acidité naturelle des eaux de pluie. » Virginie et Sébastien ont donc enterré leur cuve en béton et les tuyaux d'accès (voir ci-dessus). Il faut éviter que la matière organique ne vienne contaminer la réserve. Le décanteur, installé en amont de la cuve, permet également de la piéger. « Nous n'avons pas prévu de filtres, précise Jean-Charles Commandré. Ils demandent trop d'entretien pour un fonctionnement correct de l'installation, alors que les éleveurs ont déjà assez de travail comme ça. »

La plus grande partie de la matière organique est écartée avant. Les pluies fines qui lavent le toit et les premiers millimètres des orages sont systématiquement déviés du circuit, car ce sont les plus chargés en matière organique. Le système de dérivation est celui du déversoir d'orage inversé, qui envoie les premières eaux vers le milieu naturel. Des prélèvements sont réalisés, pour contrôler la qualité physico-chimique de l'eau. Les résultats ne sont pas encore disponibles.

« Nous n'avons pas constaté de problèmes particuliers avec les animaux, souligne Virginie. Depuis le mois de juillet que le système est opérationnel, la qualité bactériologique du lait n'a pas évolué non plus. »

Le dimensionnement de l'installation

« Nous avons choisi une cuve de 130 m3, pour atteindre l'autonomie », explique Jean-Charles Commandré. Une pluie de 90 mm la remplit. Son coût représente plus de la moitié du montant de l'investissement. Sa capacité est donc déterminante pour la rentabilité du projet. Elle tient compte de la surface du toit et de la pluviométrie. Celle enregistrée à Montrodat, la station météo de référence, s'élève à 824 mm par an en moyenne sur les trente dernières années. Avec un toit de 1 500 m², le potentiel de récupération est de 1 200 m3, sans compter les pertes. Soit presque de quoi couvrir les besoins du troupeau, qui s'élèvent à 1 500 m3 par an.

1 000 euros d'économie d'eau

L'investissement atteint 34 000 €. « Nous avons participé à hauteur de 40 %, indique Virginie. Le conseil régional et le département de la Lozère ont subventionné chacun 30 % du projet. « Notre principal objectif est de soulager le réseau pendant les périodes critiques, explique Virginie. La facture d'eau sera tout de même allégée. Suivant l'hypothèse la plus favorable, 1 200 m3 seront récupérés. L'économie devrait donc avoisiner les 1 000 € (1 200 x 0,8125 €/m3). De quoi rembourser l'emprunt contracté.

(1) Association syndicale de travaux d'amélioration foncière des communes lozériennes. (2) Comité pour la mise en oeuvre du plan agrienvironnemental et de gestion de l'espace en Lozère. (3) Organisme inter-établissements du réseau des chambres d'agriculture « SUA Montagne méditerranéenne élevage.