Daniel Noue se souviendra longtemps de sa campagne d'irrigation 2010. Installé à Barville-en-Gâtinais, dans le Loiret, il a réalisé ses plus mauvais rendements en blés et orges de printemps depuis son installation en 1990 : 45 à 50 q/ha, au lieu des 80 q/ha de potentiel en blés tendres et 65 q/ha en blés améliorants.

Des années sèches, il en a connu d'autres. La particularité de 2010 est liée au faible quota d'eau que la préfecture lui a attribué : 58 950 m3, alors que son volume de référence est de 131 000 m3. Daniel Noue, comme tous les irrigants qui prélèvent en nappe de Beauce, s'est vu attribuer en 1999 un volume de référence, auquel un coefficient est appliqué chaque année en fonction du niveau de la nappe. Jusqu'en 2009, les baisses sont restées modérées (20 à 30 %). Mais, il y a deux ans, le système de gestion volumétrique a été révisé. La nappe de Beauce a été divisée en quatre zones pour mieux refléter les évolutions de niveau, plus rapides en périphérie.

PERTE DE 200 €/HA

La zone de Daniel Noue (le bassin du Fusain) a été particulièrement pénalisée en 2010 : son autorisation s'est limitée à 45 % du volume de référence. Il a dû faire des choix. « Je m'étais réservé 160 mm sur les betteraves, deux passages sur les trois coupes de luzerne, et le reste aurait servi au blé, mes orges se situant sur des terres non irriguées », précise l'agriculteur, vice-président du syndicat d'irrigation du Gâtinais-Fusain.

Finalement, certains blés améliorants ont reçu deux petits tours d'eau mais la plupart n'ont rien eu. Une trentaine d'hectares de blé n'ont donc pas été arrosés. Il estime la perte de revenu à 200 €/ ha. « Avec davantage d'eau, j'aurais fait au minimum15 q/ha de plus », estime le producteur. Quant aux betteraves, elles ont dû se contenter de tours de 25-30 mm, au lieu des 35-40 habituels.

La pénalité sur le rendement est mineure : - 8 à 10 t/ha sur un potentiel de 95 à 100 t, grâce aux pluies d'août. En revanche, Daniel Noue et ses sept collègues de la Cuma d'irrigation, avec lesquels il partage un forage, ont beaucoup peiné pour réaliser les tours d'eau. Le forage ne débite que 100 m3/h pour arroser 240 ha au total. Or, début juillet, le Fusain ayant atteint le seuil de crise, la préfecture a pris un arrêté d'interdiction d'arroser pendant 48 heures. « Les tours étaient déjà de dix jours, ils sont passés à douze. »

Les 75 ha d'orges de printemps brassicoles de la Cuma n'ont pas reçu toute l'eau nécessaire : 20 à 30 mm, au lieu des 35-40 mm en année normale. Les rendements ont baissé et la qualité aussi. La plupart des orges sont à 11,5-12 % de protéines quand les contrats prévoient 9,5 à 11 %. Quant à Daniel Noue, chez qui les orges n'étaient pas irriguées cette année, le rendement plafonne à 45 q/ha, avec une protéine à 14,5 %. Donc déclassement en orge fourragère.

Comble de l'ironie, l'irrigant s'était réservé un peu d'eau pour un cinquième tour sur la partie la plus séchante en betterave et, éventuellement, faire lever les colzas. Comme cela n'a pas été nécessaire, il a fini sa campagne 2010 avec un surplus de 6 000 m3 ! Surplus qu'il ne pourra pas utiliser l'année prochaine, car la possibilité de reporter a été supprimée. Toutefois, la nappe ayant remonté, 2011 se présente sous de meilleurs auspices.