Révolution. A partir de cette année, les éleveurs auront le choix entre des taureaux génomiques et ceux testés sur descendance. © Gènes diffusion
Nous sommes le 2 juillet 2009. Dany, technicien à la coopérative d'insémination, retrouve Gwenaël au milieu de ses prim'holsteins. Leur objectif: réaliser le planning d'accouplement du troupeau.
- Alors, quoi de neuf au catalogue cette année? Beaucoup de nouvelles stars?
- Mieux que ça. Nous sortons toutes les séries en cours de testage d'un coup.
- Vous avez réussi à raccourcir les délais du testage sur descendance?
- Oui, c'est une vraie révolution!
Cette révolution porte un nom: la génomique. Plus besoin d'attendre les résultats du testage sur descendance pour que le coefficient de détermination (CD) des taureaux dépasse 0,5, la barre fatidique de mise sur le marché. Une prise de sang à la naissance suffit à les génotyper pour connaître leurs index avec un CD proche de 0,6. Y compris pour les fonctionnels.
- Quel changement cela entraîne-t-il au niveau de ton catalogue?
- Je te propose des taureaux plus jeunes que ceux testés sur descendance.
Les entreprises de sélection (ES) peuvent, en effet, enrichir leurs catalogues de deux ou trois gammes supplémentaires. La première remplace le testage et concerne des taureaux âgés de 12 à 14 mois. Comme dans l'ancien schéma, leurs index ne sont pas diffusés. Le principe de la mise en place aléatoire reste d'actualité, mais cette fois avec un nombre de doses limité entre 1.000 et 3.000. L'objectif est de disposer rapidement d'au moins 200 filles, pour faire augmenter leur CD jusqu'à 0,9.
- Et la seconde gamme?
- Ce sont aussi de jeunes taureaux, mais dont je peux te présenter les index individuels.
Cette fois, il n'y a pas de limite au nombre de doses commercialisables. Si ce n'est la capacité de production de l'animal. Globalement, ces mâles présenteront un CD légèrement inférieur à celui de leurs prédécesseurs, juste après l'arrivée des filles de testage, sauf pour les fonctionnels qui là sont évalués.
Petit lexique Génotypage: décryptage du génome, c'est-à-dire l'ensemble du matériel génétique d'un individu. Coefficient de détermination (CD): ce chiffre est calculé pour chaque index. Il traduit sa précision. Plus sa valeur est proche de 1, plus l'index est fiable. |
Les catalogues s'enrichissent
La précision de ces index restant modeste, les ES ont eu l'idée de proposer à leurs clients des packs, c'est-à-dire un lot de taureaux choisis pour un objectif de sélection particulier: la production laitière, le lait, ou encore un profil équilibré... Cette vente en lot est un moyen de réduire le risque moyen lié au CD plus faible qu'avec le testage sur descendance. L'acheteur peut aussi confectionner son propre pack en utilisant un large panel de mâles. La dernière gamme est celle des taureaux plus âgés pour lesquels on dispose d'informations sur plusieurs centaines de filles de service. Leur CD approchera la valeur de 0,9.
- Mais, globalement, qu'ai-je à gagner à utiliser ces taureaux moins bien connus?
- Tu devrais accélérer le progrès génétique dans ton troupeau.
D'abord, ces taureaux étant plus jeunes, ils sont théoriquement mieux indexés. Ensuite, les simulations laissent espérer un progrès 1,5 à 1,7 fois plus rapide avec la sélection génomique qu'avec le testage sur descendance. Pourquoi? Parce que l'intervalle entre génération est plus court. Les taureaux peuvent être mis sur le marché à un an et demi. Avec le testage sur descendance, il fallait attendre qu'ils soient âgés de cinq ans et demi. Et aussi parce que même si les entreprises recrutent moins de mâles, elles les chercheront à coup de génotypage, parmi un plus grand nombre de candidats.
Une aide au recrutement des femelles
Cette accélaration du progrès génétique est aussi due à l'augmentation de la pression de sélection pour les femelles. Les ES peuvent maintenant recruter les mères à taureaux sur les mêmes bases que les mâles. C'est-à-dire à partir de leurs index génomiques disponibles aujourd'hui pour 15 caractères et, dès cet automne, pour 25. Avant, seules les données sur ascendance permettaient de les choisir.
Il reste à voir si cela aboutira à une réduction du coût de la génétique. Les trois ans d'attente entre la mise en testage d'un taureau et sa commercialisation disparaissent. Il y a fort à parier que les économies réalisées, au moins dans un premier temps, sur la voie mâle financeront celles nécessaires sur la voie femelle. La sortie concomitante de presque cinq séries de mâles dans les mois à venir (celles qui étaient en testage) n'allégera pas non plus la facture à court terme.
- Et si je veux acheter des paillettes de taureaux étrangers?
- Il faut laisser le temps à Interbull de mettre à jour ses outils.
Car les acheteurs ont besoin d'être sûrs de la fiabilité des index génomiques publiés dans les autres pays. La Commission européenne a chargé Interbull de vérifier la précision des index et d'en assurer la conversion. Les travaux débutent en avril et devraient aboutir cet été, en août. D'ici là, les doses ne peuvent circuler entre pays que sur la base de leurs index évalués sur descendance, à l'exception des doses de testage.
Encore une étape à franchir
Le testage sur descendance. Les taureaux étaient recrutés en fonction d'informations sur leurs parents. Ils entraient en testage entre 12 et 14 mois avec des index sur ascendance dont le CD varie entre 0,5 et 0,6. Les informations sur les filles de testage l'améliorent pour atteindre de 0,7 à 0,8. Lors de sa mise en service, le taureau est alors âgé de cinq ans et demi. Ce n'est qu'avec les performances des filles de service que son CD pourra grimper jusqu'à 0,95. Le modèle génomique actuel. Les index sont connus pour les 15 caractères actuellement évalués quasi dès la naissance, avec des CD compris entre 0,48 et 0,65. Le taureau est mis sur le marché lorsqu'il est âgé d'un an et demi environ sans information sur sa descendance. Son CD évolue au fur et à mesure de la remontée d'informations sur ses filles. Autre changement important, les index des femelles sont eux aussi connus dès leur naissance, avec la même précision que pour les mâles. Dans deux ou trois ans, les scientifiques pourront lire le génome des bovins de façon plus complète. Ils pourront ainsi exploiter un plus grand nombre de marqueurs et améliorer la fiabilité des index. Ils seront aussi capables d'augmenter le nombre de caractères sélectionnés pourvu qu'ils disposent de mesures fiables sur ces caractères. |
Expert: PIERRE-LOUIS GASTINEL, responsable du département génétique de l'Institut de l'élevage «S'orienter vers une collecte d'informations à géométrie variable»«L'arrivée de la sélection génomique pourrait aussi influencer la façon dont les éleveurs sont impliqués dans la base de sélection. Aujourd'hui, il y a les contrats de testage accolés au contrôle de performances. Demain, nous pouvons imaginer collecter des informations supplémentaires pour indexer les animaux sur de nouveaux caractères, comme les boiteries, les problèmes pulmonaires ou encore la composition fine du lait. Il y a deux cas de figure: - Soit ces données intéressent le producteur pour le pilotage de son troupeau et il les note. Mais elles ne sortent pas de son élevage. Il reste à organiser leur transfert pour les exploiter et calculer les nouveaux index. - Soit il faut faire évoluer le contrôle de performances vers un service à la carte, dans les élevages prêts à relever et à faire remonter ces informations. Nous aurions des bases de sélection à géométrie variable pour à tel ou tel caractère. Cela reviendrait à spécialiser des troupeaux pour mettre au point des équations utiles à tous, pour le calcul d'index sur les nouveaux caractères choisis.» |