Après presqu'un an de concertations, Michel Barnier, ministre de l'Agriculture, a présenté le plan Ecophyto 2018, le 10 septembre 2008. Il reprend en grande partie les recommandations formulées dans le rapport remis en mai 2008 par Guy Paillotin, secrétaire perpétuel de l'Académie d'agriculture, qui a présidé le groupe de travail sur le sujet. La centaine d'actions du plan vise à réduire de moitié, d'ici à dix ans si possible, l'usage des produits phytosanitaires, un objectif inscrit dans le Grenelle de l'environnement.

Afin de montrer aux citoyens les efforts accomplis, une batterie d'indicateurs va être mise en place pour suivre l'utilisation des produits. Premier retenu, le « Nodu » (nombre de doses unitaires), qui sera calculé à l'échelle nationale. Il sera complété par un suivi par type de cultures et d'autres indicateurs de risques et d'impacts à l'horizon de 2012.

Dans un premier temps, le plan compte identifier et diffuser les méthodes de production intégrée actuellement disponibles : un réseau de 3.000 fermes pilotes de démonstration de méthodes « économes en pesticides » sera ainsi créé dès 2009.

3.000 fermes pilotes

Il est aussi prévu d'orienter la recherche agronomique, la sélection variétale et les techniques d'application pour diminuer l'utilisation des produits phyto. La formation est également un axe fort du plan : à l'horizon de 2014, un certificat utilisateur deviendra nécessaire pour l'achat de produits phytosanitaires. Il pourra être obtenu dès 2010, en passant avec succès un test ou en suivant une formation. La réduction et la sécurisation de l'utilisation des produits et le développement de méthodes de lutte non chimiques seront intégrés aux objectifs de la formation initiale agricole.

Le réseau de surveillance des parasites va par ailleurs être renforcé (lire l'encadré ci-après) et l'agrément des distributeurs et des applicateurs révisé.

Pour compléter l'arsenal de mesures, le plan Ecophyto s'accompagne du retrait des autorisations de mise sur le marché de trente matières actives les plus préoccupantes d'ici à la fin de 2008 et dix autres d'ici à la fin de 2010. Pour treize autres molécules, l'usage devrait en être réduit de 50 % d'ici à 2012, dans l'attente de solutions alternatives.

Au total, le coût du plan Ecophyto est estimé à 206 millions d'euros pour la période 2009-2011. Sa mise en oeuvre devrait se concrétiser tout au long de l'année 2009, sans passer par la voie législative. Quelques mesures comme la certification des distributeurs et applicateurs de produits devraient toutefois être introduites dans le projet de loi « Grenelle 2 ».

Impasses techniques

Sur le plan européen, le dossier des phytos mobilise beaucoup. Le 1er septembre 2008 sont entrées en vigueur les nouvelles normes sur la présence de résidus phyto dans les aliments. Pour Bruxelles, ce nouveau règlement vise à « garantir la sécurité alimentaire en Europe » et à « lever les obstacles au commerce intra-européen ».

Mais le chantier le plus sensible reste celui du « paquet pesticides ». Il contient essentiellement deux textes : la directive sur l'utilisation durable des pesticides et le règlement sur l'autorisation de mise sur le marché des produits phyto. D'application immédiate dans les Etats membres, à l'inverse de la directive qui doit être transposée en droit national, le règlement est celui qui fait l'objet des plus vives dissensions.

En juin dernier, en première lecture, les ministres européens de l'Agriculture avaient obtenu un compromis fragile sur un texte moins strict que celui du Parlement européen adopté quelques mois auparavant. Le projet de règlement prévoit l'interdiction des produits perturbateurs endocriniens, génotoxiques, cancérogènes et toxiques pour la reproduction.

En deuxième lecture, le 5 novembre 2008, la commission à l'environnement du Parlement a souhaité ajouter à la liste les spécialités neurotoxiques et immunotoxiques. Dans ce cas, beaucoup de familles de matières actives disparaîtraient, comme par exemple les triazoles et les pyréthrinoïdes. Ce qui fait monter au créneau les industriels de la protection des plantes et la filière agricole, notamment les producteurs de fruits et légumes qui s'alarment des impasses techniques que le règlement pourrait engendrer.

Autre point de désaccord : le zonage de l'UE pour les autorisations de mise sur le marché. Le Conseil propose de découper l'union en trois zones géographiques (nord, centre et sud) et d'y rendre quasi automatique la reconnaissance mutuelle. Alors que le Parlement ne souhaite qu'une seule zone.

La fixation d'objectifs chiffrés dans la directive fait aussi l'objet de discussions : le Conseil veut réduire les risques liés aux pesticides en général, alors que le Parlement souhaite se concentrer sur la réduction des volumes.

Les négociations se poursuivent entre les représentants de la Commission, de la présidence française et du Parlement, dans l'attente d'un vote en deuxième lecture par les députés à la mi-janvier 2009.

 

Les « Avertissements agricoles » tirent leur révérence

En 2009, les « Avertissements agricoles » de la Protection des végétaux (PV) ne seront plus diffusés. En effet, les services régionaux de la PV doivent se réorganiser. Ils conserveront un rôle de biovigilance et de contrôle des risques sanitaires et environnementaux.

Si certaines régions ont déjà commencé à plancher sur le nouveau réseau de surveillance, la plupart des autres profiteront de l'année 2009 pour dessiner la nouvelle trame proposée par le ministère de l'Agriculture.

Dans chaque région, des animateurs, des responsables et des référents par culture seront désignés. Un réseau d'observateurs (chambres d'agriculture, Fredon, instituts techniques, coopératives) saisira les données dans une base régionale qui servira à élaborer le nouveau « Bulletin de santé du végétal ».

En revanche, il ne pourra pas être fait de préconisations de produits à ce niveau, même si les prescripteurs pourront par la suite reprendre le bulletin afin d'établir des conseils certifiés par l'Etat.

Plusieurs points, comme l'harmonisation des protocoles de suivi d'observation ou encore le financement de ce dispositif, sont encore en cours de discussion. (Céline Fricotté)

 

 

Les rendez-vous de 2009

Janvier : vote en deuxième lecture du «paquet pesticides» par le Parlement européen.

Dans le courant de l'année :

mise en place concrète du plan Ecophyto 2018, avec la création du réseau de 3.000 fermes.

élaboration du nouveau système de surveillance du territoire.

 

  

 

L'homologation de Cruiser en débat

Attendu depuis plusieurs années, Cruiser, traitement de semences insecticide à base de thiaméthoxam, a obtenu, au début de 2008, une autorisation provisoire de mise sur le marché d'un an.

Cette homologation était assortie de restrictions, comme semer avant le 15 mai ou encore n'utiliser ce produit, ou ceux de la même famille (néonicotinidées), qu'une année sur trois.

Parallèlement, le ministère de l'Agriculture a lancé, au printemps de 2008, un plan de suivi et de surveillance de ruchers sur trois régions (Aquitaine, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées). Ce dernier n'a pas révélé de mortalité préoccupante pour les abeilles. C'est pourquoi, après avoir étudié les nouvelles données qui complétaient le dossier d'homologation, l'Afssa a renouvelé son avis positif.

Les cartes sont entre les mains du ministère, mais nombre d'associations apicoles et environnementales s'insurgent déjà contre l'homologation définitive de ce traitement. (C. F.)