La hausse des prix des engrais phosphatés et potassiques conduit un nombre croissant d'agriculteurs à limiter leurs apports, voire à pratiquer des impasses. Ces pratiques sont souvent réalisées à l'aveugle, c'est-à-dire sans connaissance de la teneur du sol en différents éléments via des analyses régulières.
«Les valeurs révélées par les analyses combinées à l'exigence de chaque culture en tel ou tel élément demeurent pourtant la seule méthode fiable de fertilisation qui concilie à la fois rendement et préservation de la richesse du sol, déclare Philippe Eveillard, en charge de l'agriculture et de l'environnement à l'Unifa (Union des industries de la fertilisation). Or, le nombre d'analyses n'augmente pas alors qu'en quinze ans les consommations d'acide phosphorique (P) et de potasse (K) d'origine minérale ont chuté de 60%. Entre 2004 et 2006, le recul atteint 19%.»
Divers niveaux d'exigence
Parmi les cultures de vente, le niveau d'exigence en P et K diffère sensiblement. Le colza (1), la betterave et la pomme de terre sont les cultures les plus gourmandes en acide phosphorique, mais le pois, le blé sur blé, le blé dur et l'orge sont considérés comme moyennement exigeants. Vis-à-vis de la potasse, betterave et pomme de terre ont des besoins élevés, de même, mais dans une moindre mesure, que le colza, le maïs, le pois et le tournesol. Afin de mieux calculer la fertilisation en P et K pour chaque parcelle ou groupe de parcelles homogènes, Arvalis, à l'aide des travaux du Comifer, préconise de mettre en parallèle les résultats d'analyses récents avec les teneurs seuils définies pour chaque type de sol d'une région.
Par exemple, dans un limon battant de la région Centre, les teneurs seuils en P2O5 sont de 0,10 pour mille (valeur basse) et de 0,16 pour mille (valeur haute). Si l'analyse révèle une teneur inférieure à 0,10 et que la parcelle n'a pas reçu de P2O5 depuis plus d'un an, pour une culture de pois de 60 q/ha, l'apport conseillé est de 90 u/ha. Il sera de 60 u pour une teneur comprise entre les deux seuils ou supérieure au seuil de 0,16 pour mille. Dans le même sol, un blé sur blé avec des pailles exportées devrait recevoir, en cas d'impasse l'année précédente, 140 u/ha en dessous de 0,10 pour mille, 95 u/ha dans les autres situations.
Pour la potasse, le raisonnement est identique. Un tournesol de 30 q/ha placé dans un sol argilocalcaire profond, dont les teneurs seuils sont comprises entre 0,20 et 0,30 pour mille, aura besoin de 60 u/ha en cas d'impasse pendant un an, 40 u au-dessus de 0,20 pour mille. Ces teneurs seuils sont aujourd'hui établies pour l'ensemble du territoire et offrent ainsi à chacun la possibilité de définir en quelques minutes les besoins de ses cultures.
Apport: quand faire l'impasse?L'absence d'apport est possible sans risque sur les cultures faiblement ou moyennement exigeantes dans les sols bien pourvus en P et K. Il faut également qu'un apport ait été réalisé l'année précédente sur culture exigeante ou deux ans auparavant sur culture peu exigeantes, et enfin, dans le cas de la potasse, que les résidus aient été enfouis. |
Répondre aux besoins instantanésA la notion d'exigence vient s'ajouter la dynamique d'absorption des éléments. Au cours de leur cycle, les plantes ont des besoins instantanés plus ou moins importants qui doivent être satisfaits sous peine de perte de rendement. Par exemple, les céréales prélèvent intensément du stade redressement à la floraison. Un blé peut absorber 2 kg/ha/jour de P2O5 alors que le sol n'en contient que quelques centaines de grammes à l'hectare. L'objet de la fertilisation minérale et organique est de répondre à cette demande, sachant que le coefficient réel d'utilisation du phosphore n'excède pas 20% la première année et que celui de la potasse se situe entre 10 et 30%. |