Ils étaient une trentaine à manifester dimanche dernier à Tulle devant la direction départementale des services vétérinaires de la Corrèze. La raison de leur colère: l'impossibilité pour les éleveurs de huit cantons du département d'exporter leurs broutards à cause d'une erreur d'analyse. A en croire un courrier du ministère daté du 19 septembre, le laboratoire national de référence s'est emmêlé dans les tubes à essai! Il a attribué un foyer de FCO répéré en Dordogne au sérotype 1 (BTV 1) du virus au lieu du sérotype 8 (BTV 8).

Bilan: la zone réglementée à cause du BTV 1 s'est élargie à une partie de la Corrèze et de la Haute-Vienne. Les éleveurs ont dû attendre la parution d'un arrêté ministériel le 20 septembre pour corriger la bévue. «Les conséquences en termes de revenu, de trésorerie et de prix de vente sont lourdes, insiste Serge Frescaline, le directeur adjoint de la FDSEA. Pendant trois semaines, il n'a pas été possible d'exporter.»

Les animaux sont restés dans les exploitations à consommer de l'aliment ou ont été vendus sur le marché intérieur. «A 2,28 €/kg au lieu de 2,75 €/kg, poursuit-il, pour des sujets pesant de 320 à 350 kg. Les responsables du département considèrent ce type de bourde inadmissible.» Cette erreur illustre la complexité de la situation que connaît la France depuis que le virus a recommencé à circuler en juin dernier. Et en particulier avec la multiplication du nombre de foyers dus au BTV 1 dans une région ayant vacciné contre le BTV 8. Cela se traduit par l'extension d'une zone réglementée à cause des deux sérotypes, la ZR 1-8. S'ensuit un alourdissement de la réglementation des contraintes, aussi pesantes pour exporter des animaux depuis cette zone que pour les envoyer vers le reste du territoire français.

Le BTV 1 progresse dans le Sud-Ouest

La situation a finalement un air de déjà-vu. Elle rappelle l'avancée du sérotype 8 en 2007. Mais, cette fois, c'est le sud-ouest du pays qui est sinistré. Le BTV 1 était cantonné, pour l'essentiel, aux Pyrénées-Atlantique et dans le sud des Landes. Depuis juin, il a bondi au nord pour atteindre le Lot-et-Garonne, et, à l'est, vers l'Ariège, l'Aude ainsi que la Haute-Garonne. Les experts de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) ne voient pas pourquoi, en l'absence de vaccination à grande échelle, il s'arrêterait là. Dans un avis rendu le 10 septembre, ils estiment que le front de l'épizootie à BTV 1 pourrait progresser de 300 à 500 km d'ici à la fin de l'année. Là encore, le vaccin apparaît comme l'arme de choix pour endiguer la maladie.

En attente d'une plus grande disponibilité de vaccins

Le ministère a adapté la stratégie vaccinale en place dès que le BTV 1 a gagné du terrain. Mais aujourd'hui c'est là que le bât blesse. La France ne dispose pas des 50 millions de doses nécessaires à la campagne de vaccination obligatoire annoncée par le ministère. L'idée qui tient la corde est de vacciner un corridor devant le front de l'épizootie pour lui faire barrage. Quand les doses seront-elles disponibles? Personne n'est aujourd'hui capable de le dire.

Pour l'instant, seul Fort Dodge dispose d'un vaccin autorisé en France. Ce laboratoire livrera 1,39 million de doses d'ici à la fin du mois. Mais après? L'entreprise évalue toutes les possibilités dont elle dispose pour produire rapidement d'importantes quantités de vaccin.

Mérial sera sans doute prêt en 2009, dès qu'il aura obtenu l'autorisation de commercialiser un produit qui en est au stade du développement industriel. D'autres entreprises ont déposé un dossier d'homologation à l'Agence nationale du médicament vétérinaire, et attendent son feu vert. Le ministère table sur un début de vaccination à la fois contre le BTV 1 et le BTV 8 à la fin de l'année.

En attendant, la France se trouve à nouveau coupée en deux avec toutes les conséquences, en particulier commerciales, que l'on connaît. Le 1,39 million de doses qui sera livré d'ici à la fin de septembre seront réservées aux animaux des foyers de la maladie, ceux destinés à l'exportation et les sujets à haut potentiel génétique dans les nouvelles zones touchées par le BTV 1. Il ne reste donc qu'un outil à la disposition des autorités sanitaires pour limiter l'avancée du BTV 1 en attendant le vaccin: les restrictions de mouvements.

Des compensations en 2007 non versées

La France, pour simplifier les échanges entre régions, pourrait avoir envie d'appliquer le statut de zone réglementée à cause des BTV 1 et 8 à l'échelle de tout le territoire. Mais elle n'y a pas intérêt. Il est peu probable que les Italiens acceptent des animaux provenant d'une telle zone, même avec des tests sérologiques ou virologiques. Ils ne veulent que des animaux vaccinés, et la Commission européenne leur a donné raison en modifiant sa réglementation. Cela renforce l'idée que seule la vaccination permettra de rétablir des flux commerciaux stables.

Evidemment, ce double zonage aura des conséquences économiques pour les éleveurs, et pour les opérateurs. «Nous attendons toujours le versement des compensations prévues au titre de l'année 2007, souligne Hugues Beyler, le directeur de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB). Le montant de l'enveloppe prévue est de 6 millions d'euros. Les dossiers déposés se chiffrent à 14 millions d'euros. Le ministère leur appliquera un stabilisateur.» La Fédération demande évidemment une reconduction de ces aides pour 2008. Mais, cette fois, il faudra aussi tenir compte des conséquences du zonage sur le commerce intérieur, et pas seulement à l'exportation.

C'est donc seulement à la fin de la campagne de vaccination obligatoire contre les BTV 1 et 8 que l'on peut espérer que le commerce reprenne normalement… au printemps prochain! En espérant que la vaccination réalisée jusque-là fasse bien barrage à la maladie.

Plus sur le découpage géographique en rubrique "Docs utiles", sous-rubrique "Textes officiels": Les zones réglementées au 25 septembre.

 

Un acompte pour les aides au report

Au printemps dernier, le ministère débloquait 6 millions d'euros pour la repousse des broutards et leur engraissement dans les exploitations. Aujourd'hui, les demandes pour la repousse dépassent largement les 4,5 millions d'euros prévus. Elles atteindraient 8 millions d'euros. Le ministère a annoncé le versement d'un acompte sans préciser s'il appliquera un stabilisateur aux demandes.

 

 

Pas de restriction à l'utilisation des vaccins

Une fois que la maladie est là, le vaccin apparaît comme le meilleur outil de lutte selon les scientifiques. «Il ne faut pas mettre de restriction à leur utilisation, a insisté Bernard Vallat, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), le 22 septembre (1). Pour l'instant, les Etats membres sont trop prudents.» Un problème commercial les rend frileux. «Les pays importateurs ne veulent pas prendre de risques », poursuit-il. Il est pourtant possible de distinguer des anticorps vaccinaux de ceux dus à une infection par l'agent pathogène. Il reste à convaincre nos clients étrangers. Plusieurs Etats membres se sont inquiétés de ce risque d'embargo injustifié alors que les animaux sont vaccinés. «Nous devons éviter ce type de réaction qui n'incite pas à la transparence», a soulevé le ministre allemand de l'Agriculture, pour qui un système de compensation efficace s'impose. C'est pour lui un moyen d'encourager les agriculteurs à déclarer l'apparition de la maladie dans leur exploitation, qu'il souhaite voir traité dans le bilan de santé de la Pac. (A.D.)

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(1) Lors d'une conférence à Veyrier-du-Lac (Haute-Savoie) sur les pathologies émergentes animales et humaines, organisée à l'occasion du conseil informel des ministres de l'Agriculture de l'Union européenne.