Le pâturage n'est pas favorable à la reproduction des vaches, affirme une idée communément répandue. «C'est faux», répond Catherine Disenhaus, professeure de zootechnie à Agrocampus-Rennes (Ille-et-Vilaine). Elle avance une autre explication. «En vêlages d'automne, les vaches qui restent à inséminer au printemps sont les moins fertiles. De plus, elles côtoient des gestantes qui ne se prêtent plus aux interactions sexuelles. L'expression des retardataires n'est donc pas encouragée.» Ce phénomène se produit aussi en vêlages étalés. Les vaches n'étant pas en chaleur au même moment, celles concernées durant le pâturage peuvent moins facilement le manifester.
Après avoir observé deux périodes de mise à la reproduction, l'une au printemps au pâturage et l'autre en automne-hiver en stabulation, Catherine Disenhaus estime que les chaleurs sont mieux exprimées dans le premier cas, avec comme principale extériorisation l'acceptation du chevauchement. En effet, les conditions sont optimales.
Entre onze et quatorze heures
Les vaches évoluent sur un sol meuble et non glissant. Elles se déplacent aisément et disposent d'espace. Tout le problème est de les détecter. L'éloignement des animaux du siège d'exploitation ne favorise pas leur repérage. Celui-ci est généralement mené à l'heure de la traite. Or, leur expression est plus fréquente le soir, après 21 heures et au petit matin avant 7 heures. De plus, la durée des chaleurs s'est réduite en vingt ans. Elles s'expriment aujourd'hui en moyenne entre onze et quatorze heures. Les conditions sont donc réunies pour passer davantage à côté des chaleurs au pâturage qu'en stabulation. «Dans ce contexte, mieux vaut utiliser un détecteur de chevauchement. D'autant plus qu'on enregistre, à production laitière équivalente, un taux de réussite supérieur de 20% des inséminations qui suivent la détection par acceptation de chevauchement», note Catherine Disenhaus.
Le pâturage de printemps peut en revanche avoir un effet néfaste sur la reproduction des fortes laitières (prim'holsteins à 9.000 kg de lait ou normandes et montbéliardes à partir de 6 500 kg) lorsque le début de lactation a lieu à la mise à l'herbe. «Comme leur production augmente beaucoup durant cette période, elles maigrissent beaucoup, ce qui n'est pas favorable à leur reproduction. Il est donc intéressant d'attendre au moins trois semaines après la mise à l'herbe pour les inséminer.» Selon Catherine Disenhaus, cette mesure est d'autant plus nécessaire si ces fortes laitières en début de lactation pâturent de l'herbe très jeune. En effet, sa richesse en azote a pour effet d'augmenter la production mais aussi le taux d'urée dans le sang. Si cette teneur reste majoritairement physiologique, dans certains cas elle peut dépasser les possibilités d'adaptation de la vache, devenir pathologique et augmenter le pH du tractus génital, ce qui génère une moindre fécondation. «Ce phénomène est rare, insiste-t-elle. Généralement, le milieu de la vache est capable de tamponner cette hausse d'urée dans le sang.» Outre le report d'au moins trente jours de l'insémination, la distribution de céréales pourra améliorer la fertilité ultérieure des vaches à haut niveau. En revanche, un apport supplémentaire de concentrés pour améliorer la reproduction est déconseillé pour les autres profils de laitières. Elles le valoriseront sous forme de lait en plus.
Chevauchements: la race joue-t-elle un rôle?La race influence-t-elle l'expression des chaleurs? Catherine Disenhaus, professeure de zootechnie à Agrocampus-Rennes, répond prudemment à cette question. Après des observations menées l'an passé à l'Inra, elle a constaté qu'au pâturage, les chaleurs ont davantage été détectées «via» l'acceptation du chevauchement chez la normande, et par des signes de zone arrière plus discrets chez la prim'holstein. «Les fortes laitières extériorisent davantage leurs chaleurs par des signes de zone arrière, ce qui peut expliquer pourquoi les prim'holsteins sont davantage concernées», nuance-t-elle. Malgré tout, une comparaison conduite entre la holstein et la jersiaise montre que cette dernière accepte davantage le chevauchement. |