Pour redresser une exploitation surendettée, tout doit être entrepris pour maintenir une activité agricole qui permette à l'agriculteur de continuer de vivre de son travail. Mais selon Philippe Graillon, responsable du marché de l'agriculture de la Banque populaire, «ce dernier est tenu de réagir dès les premières difficultés. Il ne doit pas non plus être laissé seul face à ses problèmes et devenir alors la proie de son banquier». La procédure Agridif (s'adresser à la DDA) apporte sur ces points des garanties, car elle est suivie par un conseiller en gestion ou un technicien qui joue le rôle d'arbitre entre les parties.
L'élaboration d'un plan est en fait l'aboutissement d'une procédure qui comprend deux étapes.
- La première consiste à établir un diagnostic technico-économique de l'exploitation pour analyser ses atouts et ses points faibles, afin de définir ensuite quelle orientation il serait judicieux de retenir quitte à abandonner une production, si elle est trop risquée ou peu rentable. «Car un plan de redressement doit toujours être établi par rapport aux perspectives à venir du marché et non pas en fonction d'une attitude qui consiste à produire quoi qu'il arrive.»
- La seconde étape est le financement du plan. Philippe Graillon évalue pour cela la CAF (1): capacité d'autofinancement prévisionnelle de l'exploitation et étudie dans quelle mesure celle-ci est financièrement redressable.
A ce stade de l'analyse, le banquier dispose de tous les éléments pour boucler le plan de redressement de l'exploitation. Il peut ainsi proposer un financement qui soit compatible avec les capacités de remboursement de l'exploitation. Mais en aucun cas, le financement d'un plan de redressement ne doit reposer sur un raisonnement patrimonial, indique Philippe Graillon. Celui-ci vise, en effet, à estimer les capacités d'emprunt de l'entreprise en fonction de l'importance du montant du patrimoine professionnel et privé détenu par l'agriculteur.
Tenir un tel raisonnement revient à ne pas reconnaître que l'exploitation agricole dispose d'un potentiel de production insuffisant pour être redressée. Et, c'est surtout faire prendre à l'agriculteur des risques financiers qui peuvent alors le conduire à rentrer dans la spirale de l'endettement. Pour Philippe Graillon, «Il est en fait du devoir du banquier de dire « non » et de refuser de financer un plan qui ne repose pas sur des hypothèses économiques réalistes. Cependant, un plan adopté n'est pas une exploitation redressée. Il est important pour les parties de bien vérifier que ce plan est mis en place en temps et en heure. Un manque de rigueur dans les délais, ce sont des frais financiers à régler liés à des découverts qui se prolongent et des chances de redressement compromises.»
(1) La CAF est égale à: l'EBE moins d'autres charges hors amortissements et provisions, plus d'autres produits.
Témoignage: NORBERT BELREDON, agriculteur dans l'Aveyron Un agriculteur pris dans une spirale En 1980, l'installation de Norbert Belredon est une réussite. Quatre ans plus tard, son élevage naisseur-engraisseur de 90 truies figure déjà parmi les plus performants de l'Aveyron. Vingt ans après, le capital propre de l'exploitation est négatif (- 250 000 F) et les bâtiments d'élevage sont vides car les intégrateurs, avec qui Norbert travaille dorénavant, ne les jugent plus assez performants. Aujourd'hui, comme il ne conduit plus qu'un troupeau de 35 vaches allaitantes sur les 30 hectares de son exploitation, son activité agricole ne permet pas de faire vivre sa famille et de payer ses quatre dernières annuités d'environ 100 000 F. Norbert est entré dès 1983-1984 (hausse du prix de l'aliment jusqu'à 1,90 F/kg) dans la spirale « crise-endettement-prêts de consolidation » ce qui signifie un redressement trop fragile pour faire face à une nouvelle crise. Malgré une production de 2 000 porcs par an, il n'a pu, en effet, ni dégager un revenu de 100 000 F pour faire vivre sa famille, ni rénover ses bâtiments. Tel un marin dans la tempête, Norbert tente désespérément de sauver son exploitation. Il a arrêté son activité de naisseur en 1990 et a élevé 450 porcs et 100 veaux en intégration jusqu'en 1998. «Mais vivre de pareils moments, c'est humiliant. En 25 ans, j'ai remboursé 2 millions de francs. Les 360.000 F que je dois encore représentent les intérêts cumulés des prêts contractés.» Pour finir sa carrière et rembourser ses emprunts, Norbert doit remettre en activité ses bâtiments et investir 150.000 à 250.000 F. Sa banque lui accorde un nouveau prêt qui sera garanti sur son patrimoine. Par ailleurs, un dossier Agridif est en cours d'instruction. Norbert ne voit pas encore le bout du tunnel mais il ne désespère pas de transmettre à son fils une exploitation viable apurée de ses dettes. |