Avec plus de 64.000 contrats souscrits en moins d'un an, soit environ 20% des exploitations dites professionnelles, le démarrage en fanfare de l'assurance récolte en 2005 est largement trompeur. Les cartes sont en effet brouillées par le coup commercial réalisé par Groupama. Afin de couper l'herbe sous le pied de la concurrence, celui-ci a offert aux clients du secteur des grandes cultures assurés pour la grêle d'étendre gratuitement leur garantie à douze autres aléas climatiques (le revers de la médaille étant un niveau de protection plutôt faible, avec 25% de franchise). Dans ce contexte, comment juger la pertinence d'un dispositif qui est proposé gratuitement?

Il faut se rappeler que l'assurance récolte est sous observation pendant trois ans (de 2005 à 2007) afin de tester «l'appétence» du produit et que le gouvernement a prévu en parallèle de baisser le niveau d'indemnisation par le Fonds national de garantie des calamités en fonction de l'adhésion des agriculteurs. Avec seulement 35% de subventions, un soutien souvent jugé insuffisant par rapport à ce que pratiquent d'autres pays (autour de 50%), le succès n'aurait sans doute pas été le même si les exploitants avaient dû payer normalement leur cotisation... La situation artificielle actuelle masque donc un certain nombre d'enjeux et de vraies questions comme celles du niveau de subvention ou de la réassurance d'Etat en cas de gros pépin climatique (lorsque 70% des agriculteurs seront assurés, un sinistre à plus de 3,3 milliards d'euros dépassant les capacités d'absorption des assureurs n'est pas improbable).

L'envers du décor, c'est que ce dossier est miné depuis le départ par les problèmes budgétaires et que, sous la pression de Bercy, l'Etat rechigne à mettre les moyens pour accompagner correctement son développement. Dès la première année, il manque 3 millions d'euros pour financer l'assurance récolte de 2005. Et, pour 2006, le gouvernement se fait tirer l'oreille (25 millions d'euros ont été trouvés et l'enveloppe pourrait aller jusqu'à 30 millions d'euros).

Un relais auprès de Bruxelles

Dans ces conditions, la FNSEA estime qu'il n'est pas raisonnable d'ouvrir, en 2006, le dispositif à d'autres productions que les grandes cultures, car c'est envoyer le dispositif au casse-pipe et entamer la confiance des agriculteurs (les subventions peuvent être rognées au prorata du dépassement de l'enveloppe allouée et les primes d'assurance revues à la hausse). Pour sortir du guêpier budgétaire, l'idée poursuivie par le gouvernement est de trouver rapidement un relais auprès de Bruxelles en adossant le système français d'assurance récolte à un dispositif communautaire afin de bénéficier de fonds européens.

 

Arrêt des subventions aux assurances grêle et gel

Lors des entretiens de l'assurance, le 13 décembre, le ministère de l'Agriculture a expliqué que l'Etat arrêtait en 2006 de subventionner les assurances relatives à la grêle sur fruits et légumes, ainsi que les expérimentations gel sur fruits et vigne (qui représentaient 20.000 contrats). Les producteurs devront se rabattre sur l'assurance récolte multirisque s'ils veulent continuer à bénéficier de contrats subventionnés. Un transfert incertain qui inquiète, car ces deux secteurs sont déjà économiquement fragilisés.

Pour 2006 (c'est-à-dire pour les contrats souscrits depuis l'été), Groupama a décidé de réitérer son opération de «gratuité», mais cette fois, les assurés ont la possibilité de racheter une franchise plus basse et mieux adaptée à l'activité grandes cultures.

Le mémorandum sur la Pac que prépare Dominique Bussereau et qui devrait être déposé à Bruxelles comportera plusieurs passages consacrés au développement de l'assurance récolte. Deux députés ont été missionnés pour alimenter sa réflexion.