Blé sans labour : Désherber en alternant les produits

«En semis de blé sans labour, le premier impératif est de semer sur une parcelle propre, avertit Gérard Citron, d'Arvalis. Cela suppose d'avoir correctement géré l'interculture en amont au moyen de déchaumages et d'au minimum un herbicide total avant le semis. Le coût demeure modeste au regard du gain procuré en termes de poste désherbage de la culture, voire de concurrence précoce vis-à-vis du blé.»

L'automne, les espèces les plus dommageables pour le blé sont sans conteste les graminées, vulpin, ray-grass et bromes. Les semis précoces amplifient encore le phénomène. C'est pourquoi dans les parcelles sales il peut être intéressant de retarder l'implantation de quelques jours. Ces pratiques d'esquive pourraient d'ailleurs prendre de l'ampleur avec la mise en place d'une nouvelle réglementation concernant notamment les sulfonylurées antigraminées dès cette campagne (voir la rubrique "A l'affût", en page 9 de "La France agricole" n° 3153, du 6 novembre 2006 - Nouvelle réglementation pour les sulfonylurées ).

«Dans le but d'éviter l'apparition de résistances comme nous en subissons désormais avec les foliaires fops et dims, cette réglementation limite l'utilisation de cette famille d'herbicides à une seule application par campagne, le plus souvent au printemps, explique Ludovic Bonin, d'Arvalis. Impossible désormais de séquencer un produit en deux demi-doses, l'une à l'automne, l'autre à la sortie de l'hiver par exemple. Seule demeure la possibilité dans le cadre de la lutte contre les bromes d'employer Monitor ou Attribut en deux demi-doses à quinze jours d'intervalle à la sortie de l'hiver comme cela était déjà recommandé dans leur dossier d'homologation.»

Le retour des urées

En techniques culturales simplifiées où la gestion du désherbage est souvent plus difficile qu'avec labour, cette nouvelle contrainte renforce encore la nécessité de diversifier la rotation. «Cela permet d'employer des herbicides à mode d'action différent et de reculer d'autant l'apparition des résistances, prévient Gérard Citron. Même dans les céréales, la notion d'alternance des familles est plus que jamais d'actualité.»

Dans le cas de parcelles connues pour leur infestation en graminées résistantes et qui ne peuvent attendre un désherbage de printemps, les urées substituées isoproturon et chlortoluron redeviennent d'actualité pour les traitements d'automne de pré ou de postlevée. Ainsi sur vulpins, le mélange de prélevée isoproturon 1.200 g/ha + Prowl 2 l/ha peut être testé avec l'espoir d'approcher de 80 à 90% d'efficacité tant que la teneur en argile demeure en dessous de 25%. Dans les limons, 1.200 g/ha d'isoproturon dès le stade 2 feuilles du blé donnent de bons résultats pour un coût modeste. Sur ray-grass, 1.800 g/ha de chlortoluron en prélevée ou 1.500 g/ha associés à 2 l/ha de Défi dès le stade "2 feuilles" du blé permet d'attendre le printemps.

Si les graminées à combattre ne sont pas encore résistantes aux herbicides foliaires, leur emploi en traitement précoce se justifie pleinement . Sur des vulpins à 2-3 feuilles, Célio à 0,2 ou 0,3 l/ha + 1 litre d'huile par hygrométrie supérieure à 60% donne de bons résultats. Face à du ray-grass, la dose de Célio passe à 0,5 l/ha + 1 litre d'huile ou il est remplacé par Illoxan CE à 1,5 l/ha + 1 litre d'huile.

«Le problème se complique singulièrement dans les terrains à plus de 25% d'argile avec graminées résistantes, convient Gérard Citron. Dans ces situations, l'efficacité des urées décroche et les foliaires sont inutilisables. Il n'existe aucune autre alternative que d'attendre la sortie de l'hiver et d'intervenir avec une pleine dose de sulfonylurée (Archipel, Atlantis), mais dans les parcelles très sales, les graminées auront déjà exercé leur concurrence.»

«Si les bromes compliquent encore la donne, il est possible d'associer Attribut à pleine dose et en un passage à l'un des précédents produits», ajoute Ludovic Bonin.