Sébastien Berger se souvient qu’il se sentait épuisé cette nuit-là : « J’avais fait du tracteur toute la journée. Je suis rentré à 23 heures. Je n’ai pas pris le temps de démonter mon antenne GPS. Eux ont été plus énergiques que moi. » Le président de la FDSEA de la Vienne se souvient avec amertume de cette soirée du 3 novembre 2022 durant laquelle son GPS a été dérobé, tout comme celui de deux autres collègues.
Le souvenir est d’autant plus vif aujourd’hui, qu’après une accalmie, les vols ont repris de plus belle dans le secteur depuis février 2023 : « Ils ont frappé fort au début du mois. Quatorze GPS ont été volés en moins de huit jours. Pour l’un des exploitants, l’infraction a eu lieu le dimanche entre midi et 15 heures. La famille déjeunait chez des amis. Ce qui signifie qu’ils nous surveillent. On le voit d’ailleurs sur nos caméras, observe Sébastien Berger, ils savent où ils doivent se rendre. » Le même soir, trois GPS sont volés à 20 heures dans une ferme voisine, deux à 22 heures.
Sous pression
Si les vols sur les exploitations agricoles ont baissé en France en dix ans, passant de 8 884 en 2011 à 6 192 en 2021, d’après le ministère de l’Intérieur, ces derniers mois semblent marqués par leur retour en flèche dans certains départements. À la fin de 2022, la Vienne affiche une hausse de 51 % des atteintes au monde agricole depuis le début de l’année, selon la gendarmerie du département.

La Région des Hauts-de-France constate « une pression forte sur les récoltes, comme jamais à l’automne 2022, avec des vols dans les champs et les vergers, probablement en raison de l’inflation alimentaire », note Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA. Dans le sud de la Mayenne, la gendarmerie vient de demander aux agriculteurs victimes de vols entre le 15 janvier et le 24 février 2023, n’ayant pas déposé plainte, de se manifester, à la suite de la découverte de nombreux objets agricoles de type matériels électroportatifs.
Donner l’alerte
Sur l’application Panneau Pocket, soutenue par l’Association des maires ruraux de France et adoptée par 9 700 collectivités, les alertes se sont également multipliées ces dernières semaines à destination des agriculteurs. Allant du vol de brebis signalé par la gendarmerie de l’Allier le 3 février à celui d’un groupe électrogène, dénoncé le 6 mars par la brigade de Besançon, en passant par des câbles d’irrigation dans le Loir-et-Cher, à la mi-mars, ou encore de l’outillage, du carburant et du matériel électronique dans la campagne alsacienne, le 21 mars, selon la gendarmerie de Strasbourg, les annonces sont allées crescendo.
Face à l’amplification du phénomène, le 22 février, la gendarmerie nationale a éprouvé la nécessité de rappeler, dans un communiqué, qu’elle se tenait auprès des agriculteurs qui « subissent de plus en plus de vols divers sur le lieu de leur exploitation ». Elle a également redonné les bons réflexes à adopter en cas d’intrusions, en particulier celui de pas agir et d’appeler le 17.
En réseau organisé
Force est de constater que si les vols se multiplient, ils ne passent plus inaperçus. « Le problème existe en effet toujours, poursuit Luc Smessaert en charge du dossier à la FNSEA. Mais grâce au travail mené avec la gendarmerie et à la mise en place de systèmes d’alerte comme Alerte agri qui permettent de signaler le moindre fait suspect, les agriculteurs n’ont plus le sentiment de ne pas être pris au sérieux. »
La collaboration s’est renforcée dans chaque département entre la gendarmerie et la profession, en dépit des vicissitudes de la cellule Demeter, chargée de lutter contre les atteintes au monde agricole. Créée en 2019 au sein de la gendarmerie nationale, l’instance a été jugée en partie illégale le 31 janvier 2022 par le tribunal administratif de Paris. Le 21 février de la même année, les ministres de l’Intérieur et de l’Agriculture annonçaient faire appel de ce jugement. Si aucune nouvelle décision n’a à ce jour été rendue, la gendarmerie a poursuivi les échanges avec les agriculteurs.
La Haute-Marne a notamment tenu le 13 mars une réunion d’information, tout comme la Vienne à la fin de 2022. « Auparavant, on allait à la gendarmerie quand on avait un problème, reprend Sébastien Berger, président de la FDSEA 86. Désormais, on anticipe. Nous nous voyons très souvent. Des rendez-vous sont organisés sur les fermes, et la diffusion des informations, en cas de faits suspects, est désormais très rapide. Ça n’empêche pas les vols, mais ça commence à embêter les voleurs. Il est surtout important de porter plainte à la moindre infraction. »
200 brigades rurales
Afin de renforcer la sécurité dans les campagnes après la fermeture de plusieurs brigades de gendarmerie, Emmanuel Macron a annoncé, en janvier 2022, la création de 200 nouvelles en milieu rural. Alors que leurs lieux d’implantation seront dévoilés par le ministre de l’Intérieur en avril, elles devraient être déployées à partir de septembre 2023.