«Chez nous, l’herbe pousse toute l’année ! », se félicitent Jean-Christophe Grandin et Sébastien Merlin, associés en Gaec. Sur les terres profondes et argilo-limoneuses du nord de l’Aisne, leurs 113 hectares de prairies naturelles profitent d’une pluviométrie régulière et de températures estivales clémentes. Pour couronner le tout, le parcellaire de l’exploitation est regroupé à 80 % autour des bâtiments.
Dans un tel contexte, le pâturage sonne comme une évidence. « C’est aussi une exigence du cahier des charges de l’AOP (1) maroilles, auquel nous souscrivons. Il exige un minimum de 170 jours de pâturage par an, et une part d’herbe d’au moins deux tiers de la ration en période de pâturage », précise Jean-Christophe. Mais avec 210 vaches en production, l’exercice demande une adaptation de la conduite du troupeau.
Deux périodes, deux rations
Les éleveurs ont scindé le cheptel en deux lots, de 150 et 60 animaux, selon leur stade de lactation. « Nous groupons les vêlages du lot de 150 vaches entre les mois d’août et d’octobre, soit près de 70 % du troupeau, explique Jean-Christophe. Elles démarrent en production avec une ration hivernale équilibrée à 30 kg de lait par animal et par jour, distribuée d’octobre à avril (voir infographie). Elles terminent leur lactation au pâturage entre avril et octobre. »
Les vêlages du lot de 60 vaches sont répartis sur le reste de l’année (en dehors de la période d’août à octobre, réservée pour les mises bas du lot principal). Le rationnement est organisé à l’inverse du lot précédent. « Les 60 vaches démarrent leur lactation durant la période de pâturage d’avril à octobre, explique l’éleveur. Leur alimentation est composée d’herbe pâturée la journée, et complétée par une demi-ration hivernale distribuée le soir, en stabulation, pour atteindre 30 kg de lait permis. Elles finissent leur cycle de production en période hivernale, d’octobre à avril, avec une ration à base d’ensilage d’herbe, prévue pour une production de 20 kg de lait. »
C’est une stratégie conçue pour profiter au maximum de l’herbe au printemps. « Avoir 160 vaches en deuxième partie de lactation, d’avril à octobre, nous permet de les nourrir en quasi-totalité avec de l’herbe pâturée, car leurs besoins énergétiques sont moindres, analyse Sébastien. Pour aller plus loin, nous aurions pu grouper les vêlages de l’ensemble du troupeau. Mais avec 150 mises bas entre les mois d’août et octobre, nous atteignons un maximum en termes de charge de travail. »
Cette conduite en deux lots permet aux éleveurs d’obtenir de bons résultats de reproduction. « En distribuant une ration plus riche en début de lactation, nous limitons les carences énergétiques et favorisons la fertilité, assure Jean-Christophe. L’intervalle moyen entre deux vêlages est maintenu à 365 jours. » Une performance indispensable pour que la technique d’allotement du troupeau soit reproductible tous les ans.
La saison de pâturage, déterminée par la portance des sols, s’étend en moyenne d’avril à octobre. « Le lot de 150 vaches tourne sur les parcelles les plus éloignées du siège d’exploitation, et passe la nuit dehors, précise Jean-Christophe. Le second groupe, en début de lactation, pâture sur les parcelles à proximité des bâtiments, et passe la nuit en stabulation, pour y recevoir le complément de ration distribué à l’auge. »
Mesurer la quantité d’herbe disponible
Cependant, miser sur le pâturage demande une gestion fine des surfaces disponibles par vache. Une fois par semaine, les éleveurs utilisent un herbomètre électronique pour mesurer la quantité de matière sèche présente à l’hectare. « La surface d’herbe par vache varie de 15 à 40 ares pendant la saison de pâturage, selon les besoins des animaux et la pousse de l’herbe », explique Sébastien.
Afin de limiter les refus, les deux groupes de vaches changent de paddock toutes les 24 heures. Au besoin, les éleveurs pratiquent une conduite au fil, si la pousse de l’herbe est abondante. « La réalisation des clôtures nous occupe pendant près d’une heure à deux tous les jours », concèdent-ils.
Des efforts qui s’avèrent payants. Jean-Christophe et Sébastien parviennent à valoriser 12 tonnes de matière sèche par hectare et par an sur leurs prairies naturelles (fauches comprises). Le coût alimentaire total des 210 laitières est ainsi contenu à 90 euros par 1 000 litres. Un gage de sérénité dans une conjoncture laitière mouvante.
(1) Appellation d’origine protégée.