Cultiver du blé sous couvert de luzerne permanent en semis direct, tel est l’objectif de Nicolas Petit, céréalier dans l’Oise. Avec l’aide de son conseiller technique Paul Robert (lire encadré ci-dessous), il met en place un itinéraire technique bien particulier. La luzerne est implantée à dix kilogrammes par hectare avec le colza et reste sous la culture jusqu’à la récolte. Après celle-ci, la légumineuse prend toute sa place en tant qu’interculture. La plupart du temps, elle est restituée au sol par fauchage ou broyage : « On a aussi un élevage dans notre parcelle sous nos pieds, il faut le nourrir ! », précise l’agriculteur. Une allusion aux vers de terre ainsi qu’aux micro-organismes des sols.
Monoculture de blé
Au mois d’octobre, Nicolas implante un blé en direct après l’application d’un litre de glyphosate si la présence de graminées l’exige. La luzerne en est peu affectée. Le désherbage d’automne est accompli de façon classique. Au printemps, deux ou trois applications d’Allié (cinq grammes) pourront être nécessaires pour réguler la luzerne et la maintenir dans les quinze premiers centimètres. Ces traitements sont pratiqués en même temps que les régulateurs ou les fongicides du blé. L’exploitant n’a donc pas de passage supplémentaire à faire.
Celui-ci cultive deux ou trois blés de suite derrière le colza sans observer de baisse de rendement. Il ne considère pas qu’il fait du blé sur blé mais du blé de luzerne. Selon son conseiller, il pourrait même en réaliser d’autres tant que la luzerne reste en place. « Il faut qu’il y en ait toujours suffisamment pour ne pas avoir de trou dans la parcelle », explique Paul Robert, qui observe que le blé se salit et décroche dans les zones où la légumineuse s’efface. Outre la durée de vie de la culture de couverture, c’est le développement des graminées adventices qui incite le céréalier à détruire le couvert et à implanter une autre culture.
La couverture de luzerne autorise Nicolas à augmenter la part de blé dans son assolement, culture qui représente une marge correcte et sûre. Ce système donne la possibilité de passer d’une rotation 1/1, c’est-à-dire d’une alternance d’un blé et d’une autre culture à une rotation 2/2 dans laquelle deux blés (ou plus) précèdent deux autres cultures. Selon l’agriculteur, la rotation 2/2 ou 3/2 est beaucoup plus efficace pour gérer le salissement car le stock semencier diminue de façon importante si on le laisse à la surface du sol pendant deux ans.
Les atouts de la luzerne sont très nombreux : lutte contre les adventices, structuration du sol, vie microbienne ou encore apport d’azote. Ce dernier est estimé à au moins cinquante unités mais aucune mesure précise n’a été effectuée. La luzerne offre aussi de restructurer le sol en profondeur et de rompre la semelle de labour si elle n’est pas trop marquée. Elle casse le cycle de la culture en place et gomme l’effet blé sur blé.
Une association aux multiples avantages
La couverture permanente évite d’avoir à semer une culture intermédiaire après la moisson. Outre l’économie de semence et de temps, cette technique promet d’assurer le couvert, élément clé de la réussite du semis direct dans un contexte climatique qui s’avère de plus en plus variable.
Le blé peut aussi être remplacé par une autre céréale comme l’escourgeon afin de diversifier les cultures. Au bout de trois ans environ, l’agriculteur détruit le couvert et profite du relargage d’azote conséquent pour implanter du maïs ou des betteraves.
Renaud d’Hardivilliers