«La litière de miscanthus est parfaite pour nos veaux de lait, se réjouissent Morgane Tissandier et Guillaume Pichou, à la tête de 130 limousines au Lonzac, en Corrèze. Les animaux sont toujours au sec, alors que nous curons beaucoup moins fréquemment. » Autant dire que les jeunes exploitants ne regrettent pas d’avoir implanté 3 hectares de cette culture pérenne en mai 2019. « Notre objectif était, avant tout, de limiter nos achats extérieurs », poursuit Guillaume. Ceux-ci se réduisaient à une trentaine de tonnes de paille chaque année. Mais comme le prix flambe pour flirter avec celui du foin, les éleveurs ont décidé d’investir dans la plantation de miscanthus. D’autant que la qualité de la paille livrée n’était pas optimale.

Le projet a été mûrement réfléchi avec un groupe d’agriculteurs voisins et Clément Emery, chargé de mission environnement à Agricentre Dumas (1). La litière de cette graminée s’avère utile aussi bien pour le paillage des pommiers que celui des volailles ou des bovins à l’engraissement. « Au pied des fruitiers, il évite l’emploi d’un désherbant chimique ou un broyage mécanique, précise Maxime Lepeytre, de la Fédération départementale des Cuma. Son impact est positif aussi bien sur le plan économique qu’environnemental, d’autant qu’il fournit un stock en carbone important. Il n’y a aucun danger que la plante dépasse les limites de leurs parcelles, car l’espèce choisie, Miscanthus giganteus, est stérile et non traçante, à la différence de certaines variétés de bambous. »

Morgane et Guillaume ont tout de même pris la précaution d’informer le propriétaire des terres de leur projet. « Nous avons choisi les parcelles éloignées, précise Guillaume, bénéficiant d’un potentiel moyen. »

Une plante économe

La plante redoute les terres trop pauvres ou hydromorphes. Outre le chantier de la plantation, qui exige quatre personnes au poste de plantation, la culture est économe, puisqu’elle ne nécessite aucun intrant chimique. Un broyage a eu lieu en 2020, mais la première récolte s’est déroulée en mars 2021. Les feuilles tombées au sol forment un tapis d’humus et seules les tiges sont récoltées avec l’ensileuse à maïs de la Cuma. Le taux de matière sèche avoisine 85 %. Le rendement de la première année s’affichait à près de 10 tonnes brutes à l’hectare. Morgane et Guillaume tablent sur une production d’une quinzaine de tonnes par hectare dès 2022. La contrainte de cette litière est un besoin en stockage important, compte tenu de la faible masse volumique (120 kg/m3). La circonférence de la tige est très ligneuse, tandis que le cœur est composé d’une sorte de mousse. « Cette caractéristique confère à la litière un pouvoir d’absorption environ deux fois plus élevé que celui de la paille », souligne Maxime Lepeytre.

Des veaux mieux classés

Sur le plan pratique, Morgane et Guillaume en épandent 15 cm dans les cases des veaux logés par quatre. Effectué une fois par semaine, le curage du miscanthus demande deux fois moins de temps que celui de la paille. « Les veaux ne consomment pas cette litière, alors qu’ils étaient friands de la paille, précise Morgane. Ainsi, les carcasses sont beaucoup mieux classées en couleur. Elles sont désormais en 1 (2 avant). Le gain est d’environ 0,8 €/kg de carcasse. Cette litière ne peut pas, en revanche, être utilisée lors des mises bas, car elle colle aux muqueuses, ce qui risque de nuire à la respiration des nouveau-nés », déclare-t-elle.

Avec leurs 27 ha de céréales, les éleveurs produisent assez de litière de qualité pour les vêlages. Ils ont aussi suffisamment de céréales pour complémenter le troupeau et, désormais, avec les 3 ha de miscanthus, ils sont autonomes en litière. Ils devraient même pouvoir en vendre quelques mètres cubes.

M.-F. Malterre

(1) Négoce agricole spécialisé dans l’agrofourniture, la nutrition animale, la collecte de céréales.