«Nous avons fait un premier bond en avant à l’installation de mon frère Jean-Charles, en janvier 2011 », explique Thierry Tardieu, son aîné. L’exploitation parentale de 70 ha passe rapidement à 135 ha par achats successifs, et le troupeau s’accroît de 45 à 70 vaches laitières grâce à un renouvellement bien anticipé : aucun achat n’a été nécessaire pour l’agrandir. Les volumes de lait grimpent de 275 000 à 550 000 l grâce à 100 000 l d’attributions JA, des quotas repris avec les agrandissements et des achats de références. « Cette augmentation de la production nous a fait réfléchir à une modification du système, avec l’objectif de pouvoir assumer le travail d’astreinte à une seule personne, expliquent Thierry et Jean-Charles. Jusqu’en 2003, la traite se faisait l’été au parc. Par la suite, nous avons définitivement rentré la cabane à traire à l’intérieur du bâtiment. »
En 2012, ils réalisent deux agrandissements, de part et d’autre de la stabulation. D’un côté, ils aménagent la salle de traite 2 x 4 postes, l’aire d’attente, la nurserie et la laiterie, sur une surface totale de 37 m x 6 m. De l’autre côté, ils construisent un bâtiment de stockage du foin avec un système de séchage en grange. L’investissement total est de 350 000 €, dont 110 000 € de subventions dans le cadre des Plans de performance énergétique et de modernisation des bâtiments d’élevage.
Réduire la quantité de concentrés
« L’idée du séchage nous trottait dans la tête depuis l’achat d’une autochargeuse en 2001, confie Thierry. Produire du lait de montagne avec du foin est un objectif cohérent, car il concilie une bonne valorisation de l’herbe et notre niveau d’étable à plus de 8 500 kg par vache. Grâce à la qualité du foin à plus de 1 UF/kg de matière sèche, nous avons pu réduire la quantité de concentré distribuée. De 2 500 kg par vache et par an, nous sommes passés à 1 750 kg d’un mélange constitué d’orge, maïs, pulpe de betterave et d’un correcteur azoté classique (50 % colza/50 % soja), constate Thierry. Nous avons ainsi pu, comme nous le souhaitions, nous engager dans le cahier des charges de l’AOP cantal, qui exige de ne pas dépasser le seuil de 1 800 kg de concentrés/vache/an. » Le système tout foin n’est, en revanche, pas obligatoire.
Grâce à un accord de collecte de leur coopérative, Sodiaal, avec le privé Dischamp, leur lait part directement à la laiterie Dischamp de Chambernon, à Neuvéglise même. Il répond aux exigences d’une production au lait cru, avec collecte quotidienne, et à celles d’une production de cantal « tout foin » produit à 100 % au foin.
L’usine transforme le lait de 16 producteurs en AOP cantal au lait cru et celui de 5 producteurs en AOP cantal au lait cru « tout foin ». « Nous avons toujours cru aux filières identifiées, expliquent les deux frères. Une différenciation est une condition de survie pour le lait produit en montagne. » La plus-value générée par l’AOP, le lait cru et le « tout foin » représente 75 €/1 000 l. Le prix du lait a été de 370 €/1 000 l en août, et de 390 €/1 000 l sur les douze derniers mois. « Nous ne pouvons pas nous permettre de descendre en dessous de 370 €, déterminé par le coût alimentaire, la valorisation du capital et nos salaires. Nous n’avons pas l’intention de brader notre travail ! »
Une seule chaîne de récolte
Conformément aux attentes de Thierry et Jean-Charles, le séchage en grange a allégé leur travail. Il a profondément modifié la distribution des aliments, avec un gain de temps de plus de deux heures par jour. « Fini le dessilage dans la neige et le froid ! Et nous n’avons plus besoin de tracteur dans le bâtiment. La griffe traversante sur toute la longueur du bâtiment permet trois distributions de foin par jour, à raison de quinze minutes chaque fois, pour les 60 vaches en lactation. Nous utilisons aussi la griffe pour pailler les parcs des génisses et des taries, et pour les curer. » Le séchage a également simplifié les chantiers de récolte. « Nous apprécions de n’avoir plus qu’une seule chaîne de récolte, contrairement à l’ancien système avec ensilage, foin et enrubannage. Les chantiers sont moins onéreux et moins stressants car plus petits, à raison de 6 à 7 ha par jour, échelonnés de début mai à fin octobre. »