«Nous en avons fini avec les vaches à 10 000 litres de lait, comme il y a vingt ans », confie Jean-François Glinec, associé avec son frère Olivier à Saint-Urbain, dans le Finistère. Le Gaec de Trévarn conduit un troupeau de 93 vaches, avec une production moyenne de près de 4 000 litres de lait par tête. Pour respecter leur mot d’ordre - « une grande marge avec peu de lait » -, les éleveurs misent sur les prairies permanentes.
« Nos terrains sont difficiles, froids et mal exposés, mouillés en hiver et secs en été, détaille Jean-François. En 2009, nous avons semé en herbe les 24 hectares de culture qui restaient. » Et Olivier d’ajouter : « À la récolte du maïs, en automne, il nous arrivait de rencontrer de gros problèmes pour sortir des champs boueux. Avec les prairies, c’est plus simple, car les trois ou quatre fauches ont lieu l’été. »
Le parcellaire se répartit sur trois sites (voir ci-dessus). Le bloc principal, de 30 ha, autour du corps de ferme, est accessible aux laitières. « Les rotations sur les paddocks sont rapides, afin que les vaches ne broutent que de l’herbe feuillue », poursuit Jean-François. Le bloc de 18 ha est pâturé par les génisses. Les cultures n’y sont pas envisageables, du fait d’un découpage du parcellaire qui ne permet pas l’accès aux engins agricoles. Le bloc de 24 ha, remis en herbe en 2009, est éloigné de la ferme, ce qui exclut le pâturage.
Les éleveurs récoltent près de 700 balles d’enrubanné et une centaine de bottes de foin pour l’alimentation hivernale. « Désormais, tout est plus simple, explique Jean-François. Il n’y a pas de bandes enherbées obligatoires, pas de pulvérisateur. Les dates d’épandage sont plus souples et les contraintes administratives se résument au cahier d’épandage. Nous sommes beaucoup plus zen. De plus, on n’angoisse pas sur de futures restrictions environnementales ! »
Les principales interventions consistent à épandre l’azote, le lisier et le fumier, auxquelles s’ajoutent quelques traitements phyto localisés sur ortie ou chardon. Pas de broyeur, qui reviendrait trop cher. Mais les refus sont rares, car le pâturage est ras. « Pour l’amendement calcaire, nous utilisons du traez, un sable coquillier à 40 % de calcium », ajoute-t-il.
Refaire une prairie coûte cher
Toutes les prairies de l’exploitation sont permanentes. « La plupart ont entre vingt et trente ans, et pour les plus vieilles, je ne connais même pas leur âge », s’amuse Jean-François. C’est aussi un choix économique : les deux éleveurs ont calculé que retourner les surfaces en herbe pour les ressemer n’était pas rentable, et que la productivité restait satisfaisante, y compris pour les plus anciennes. Jean-Claude Ebrel, comme eux éleveur et membre du Civam (1) du Finistère, explique que les rendements chutent cinq ans après le semis, mais qu’« il faut savoir être patient, car ils remontent ensuite ».
Le Gaec du Trévarn est quasi autosuffisant pour l’alimentation du cheptel. En plus de l’herbe pâturée ou conservée, les vaches reçoivent, en moyenne, 50 kg de farine de maïs et de magnésie durant l’année. Ainsi, le coût alimentaire est réduit à 41 €/1000 l. « Les génisses sont complémentées avec 1,5 kg de céréales pendant neuf à dix mois la première année, pour assurer une bonne croissance et un premier vêlage à vingt-quatre mois », précise Jean-François. La politique de baisse des charges s’applique aussi pour les services : les éleveurs inséminent eux-mêmes et n’adhèrent plus au contrôle de performances. « Chaque année, nous vendons en moyenne 75 bovins d’un mois au marché au cadran, et une quinzaine de veaux de lait en vente directe », indique l’éleveur. Une attention particulière est donc accordée à cet atelier. « Nous vaccinons les mères en prévention des diarrhées néonatales et nous recherchons des pères avec un index facilité de vêlage favorable », poursuit-il. Les naissances sont groupées sur février, mars et avril, après six semaines de fermeture de la salle de traite : « Les vêlages ont lieu à la période où l’herbe est abondante. Les vaches sortent au champ immédiatement après la mise bas. »
Nos croisées vivent longtemps en bonne santé
Les 45 premières vaches en chaleur sont inséminées avec des semences de taureaux de races laitières, prim’holstein, jersiais, montbéliard ou rouge suédois. Les autres sont inséminées en blanc bleu belge ou par saillie naturelle avec un croisé limousin x jersiais, pour la vente de veau. Les éleveurs obtiennent ainsi une quinzaine de génisses laitières croisées issues d’IA par an (65 % de réussite), qui seront gardées pour le renouvellement. « C’est presque trop, car le troupeau s’agrandit », note Jean-François. Rien d’étonnant, puisque les vaches du Gaec de Trévarn affichent une espérance de vie supérieure à la moyenne. « Jusqu’en décembre, nous avions encore trois vaches âgées de treize ans, souligne-t-il. Elles vieillissent bien, car elles ont peu de problèmes de santé et sont robustes. » Les choix génétiques axés sur la fécondité et les cellules, ainsi qu’un niveau de production modéré contribuent à cette longévité.
(1) Centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural.