À leur entrée dans le réseau des fermes Dephy en 2015, les frères Patrice et Francis Bour avaient un IFT (indiquateur de fréquence de traitement) moyen de 5,2. Deux ans après, grâce à un changement rapide de leurs pratiques, cet IFT avait baissé d’un point.

Mis en place dans le cadre du plan Ecophyto, le dispositif Dephy rassemble depuis 2010 des groupes d’agriculteurs désireux de réduire leur utilisation de produits phytosanitaires. Chaque groupe, constitué d’une dizaine d’agriculteurs, est suivi par un ingénieur et porté par des structures agricoles (chambres d’agriculture, coopératives, Ceta, Civam, etc.). Au total, plus de 3 000 exploitations se sont engagées dans ce dispositif au niveau national. L’État a pour objectif de décupler ce nombre dans le cadre du plan Ecophyto 2, d’ici à 2025.

Dans cette région du Barrois à très faible réserve utile, que les aléas climatiques des dernières années n’ont pas épargnée, la réalité économique est difficile, et les cours bas des céréales n’améliorent pas la situation. C’est ce constat, associé à une volonté de « produire mieux », qui a conduit Patrice et Francis Bour à reconcevoir leur système de culture et à se faire épauler par le réseau Dephy.

Des colzas précoces et associés

Les premiers changements ont porté sur la modification de leur mode d’implantation. Toutes les cultures de printemps sont désormais semées dans des couverts, et les colzas sont implantés en semis direct précoce, avec engrais au semis, et associés avec de la féverole. Les frères ont investi dans un semoir T-sem Contour de chez Techmagri, qui possède trois trémies. Semés au 4 août à 3 kg/ha, les colzas se sont bien développés, ce qui a permis de faire l’impasse sur un insecticide d’automne. Par ailleurs, la densité de pieds assez élevée (25 au m²) a limité l’élongation automnale (de 0 à 5 cm par pied). La féverole a été semée à 60 kg/ha. Les exploitants ont choisi une profondeur de semis à mi-chemin entre l’optimum du colza et celui de la féverole, c’est-à-dire à 3 cm. Enfin, 120 kg/ha de 18-46 ont été apportés au moment du semis.

Couvrir au maximum les terres

La valorisation des couverts d’interculture est un autre levier utilisé pour la réduction des phytos. Les frères Bour ont semé un mélange de vesce (20 kg/ha) et d’avoine (30 kg/ha), en direct, derrière une orge d’hiver et avant un chanvre. Ils visent la capacité d’étouffement des adventices et le recyclage des éléments minéraux. La pesée de la biomasse (1,8 kg/m²) a permis de calculer que ce couvert a produit 3,7 t MS/ha, soit une quantité d’azote capté de 148 U/ha. Cela équivaudrait à une restitution d’azote de 70 U/ha, qui profite au chanvre le printemps suivant.

Les agriculteurs ont quasiment abandonné le labour depuis vingt ans, mais ne s’interdisent pas d’y avoir recours lorsqu’il leur semble être dans une impasse. Ils ont ainsi repris la charrue en 2016 sur certaines parcelles, pour pallier des problèmes de vulpins. « Mais, désormais, l’objectif est de tendre vers le semis direct, et de couvrir au maximum les terres », souligne Francis.

En 2017, 100 ha de colza ont été semés en direct et le reste après un déchaumage. « Le semis direct constitue une partie de la solution, mais nous ne pouvons pas nous reposer uniquement là-dessus, nuance Patrice. Nous avons également fait un gros travail sur la rotation. »

Les frères souhaitent, en effet, sortir du système blé-orge-colza, typique de la région, d’autant plus que celui-ci montre ses limites dans les terres superficielles. « Nous allons semer de l’orge de printemps à la place de l’orge d’hiver sur certaines parcelles d’argilo-calcaires superficiels, qui font face à des problèmes de vulpins », indique Fabrice. Et Patrice d’ajouter : « L’introduction du chanvre permet aussi de casser la rotation. On voit les résultats avec la culture qui suit. Il en est de même avec le pois d’hiver. »

Une plateforme d’essais de 15 ha a été mise en place en 2016 par la chambre d’agriculture sur l’exploitation des frères Bour. Elle teste une rotation de cinq ans, composée d’un seul colza, de céréales et d’une culture d’été (chanvre ou tournesol).