Depuis trois ans, pour coller au mieux à la pousse d’herbe toujours plus précoce, Guillaume Mateuil, installé à Oudry, en Saône-et-Loire, a décalé ses 70 vêlages en fin d’hiver. « Avec le changement climatique, l’herbe explose dès mi-avril au lieu de mai il y a encore quelques années. Puis la pousse se bloque avec l’arrivée du froid et du sec, constate l’éleveur. Il est indispensable de consommer l’herbe quand elle est là. Les veaux nés en janvier et février obtiennent en avril et mai un bon gain moyen quotidien (GMQ) sans complémentation. »

Croissance compensatrice

Pour atteindre ses objectifs, Guillaume privilégie la production laitière des mères et joue sur la croissance compensatrice des animaux. « En bâtiment, je limite volontairement les GMQ : 500 g par jour pour les femelles d’un an nourries au foin ou à l’enrubannage, 600 à 700 g pour les deux ans, 700 à 800 g pour les mâles », explique-t-il. Cette stratégie porte ses fruits. Les charges de concentrés ont été divisées par deux. En 2019, lors d’une journée organisée par la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire et Alsoni Bovins croissance sur l’exploitation, le coût de concentré par kg vif produit a été établi à 0,27 €, contre 0,57 € en 2014. L’économie ainsi réalisée représente pour 50 000 kg vifs produits un gain de 13 500 € par an.

 

Alors qu’elles démarraient fin novembre, les naissances s’étalent désormais entre mi-janvier et fin mars, avec une mise à la reproduction groupée entre le 5 avril et le 10 juin. Les génisses et les meilleures vaches sont inséminées, en partie au pré où tous les îlots sont dotés d’un parc de contention. Le reste des femelles est sailli par des taureaux. « Une reproduction sur soixante jours n’est possible que sur les mois d’avril et mai. Les jours sont longs et l’herbe de printemps joue à plein le rôle d’un flushing. La reprise de poids déclenche l’ovulation. »

Pâturage tournant

L’élevage pratique le pâturage tournant depuis 1970. Guillaume sort son troupeau dès la mi-février sur des terres qui ne craignent pas l’humidité. Début avril, après une transition alimentaire de trois semaines à un mois, les animaux se nourrissent à 100 % d’herbe. Chaque lot (femelles d’un et deux ans, génisses et vaches à l’engrais, vaches et veaux, mâles d’un an) tourne sur cinq parcelles. La dernière est éventuellement récoltée puis réintroduite dans la rotation. Les stocks sont commencés très tôt. Fin mai début juin après le second passage, les îlots sont broyés. « On espère qu’il pleuvra, ce qui est devenu aléatoire ces dernières années. »

90 % des veaux mâles ainsi que la moitié des femelles sont vendus en reproducteurs (lire l’encadré). Une petite vingtaine d’animaux (vaches et génisses) sont engraissés. Une douzaine d’entre eux sont commercialisés dans le cadre de la filière AOP bœuf de Charolles (1) avec une réelle plus-value. La dernière vache d’à peine six ans, classée U-, a ainsi été valorisée 4,42 €/kg pour 525 kg de carcasse.

L’exploitation, aux sols à bons potentiels, est conduite de façon volontairement extensive. Elle pourrait supporter 20 vêlages de plus par an. Mais avec les sécheresses des dernières années, 70 mises bas s’avèrent suffisantes. Sur les mâles vendus à la reproduction entre 8 et 10 mois, l’objectif de croissance régulière au pré de 1 500 g par jour devient plus difficile à atteindre. Depuis trois ans, la complémentation apportée à partir de mi-juillet doit être doublée. En 2020, elle s’élevait à 4 kg par jour avant sevrage, soit 1 kg pour 100 kg de poids vif, 5 kg après. Si le réchauffement climatique devait se confirmer, Guillaume envisage de réduire le nombre de vêlages, même si cela doit entraîner une baisse du chiffre d’affaires. « En système herbager, le premier critère est l’autonomie fourragère. Il n’est pas envisageable d’acheter du fourrage, ce qui concourrait également à la baisse de revenu. »

Anne Bréhier

(1) Nécessitant l’identification parcellaire des « prés d’engraissement », l’absence d’ensilage dans la ration et l’apport de tourteau de lin en finition.