Ces dix dernières années, Jean-Paul Jourdain n’a employé du glyphosate que très occasionnellement. C’est-à-dire quand le travail du sol n’avait pas été suffisant pour venir à bout des adventices. Il faut dire qu’étant en agriculture intégrée depuis une vingtaine d’années, ce dernier dispose d’un système assez résilient(voir l’encadré).
Une aide forfaitaire de 80 €/ha
Alors que l’emploi de cet herbicide pourrait être retiré d’ici fin 2022 au niveau européen, il a signé en octobre 2019 le « contrat de transition glyphosate Normandie 2021 », lancé par la Région en partenariat avec les chambres d’agriculture. « Cela formalise ce que je pratique déjà, estime-t-il. En effet, pour moi, utiliser du glyphosate, ce que je ne faisais plus depuis deux ans au moment de cette signature, reste une erreur ! Ce contrat me met donc un “coup de fouet”, car cette interdiction est impérative et obligatoire. »
En échange d’une aide forfaitaire de 80 €/ha, plafonnée à 8 000 € par exploitation, ce contrat lui a imposé la première année de ne pas pulvériser la substance active, sauf en cas d’impasse technique. « Quant à la campagne en cours, c’est zéro usage autorisé. Et on ne doit pas se rabattre sur d’autres molécules herbicides pour le remplacer », précise-t-il.
Cela l’oblige d’autant plus à anticiper et à réfléchir ses interventions. Il arrivait que Jean-Paul Jourdain emploie du glyphosate à la suite d’un passage d’outils pas assez efficace. « Je dois notamment faire davantage attention à la gestion de mes couverts, qui sont systématiques avant mes cultures de printemps, ajoute l’exploitant. Car il me faut des intercultures qui remplissent toutes leurs missions mais sans salissement important, surtout sans touffes de ray-grass ou de rumex. »
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Pour cela, il soigne le semis et broie désormais son mélange de moutarde, phacélie, navet fourrager et avoine en début d’hiver. « Mais cette fois, j’ai passé un outil à disques pour ralentir la pousse du ray-grass, en le déracinant partiellement, rapporte Jean-Paul. Ainsi, la graminée partira plus facilement dans le fond quand je passerai la charrue. » S’il a eu dans le passé maille à partir avec du chiendent, qu’il a alors éliminé grâce au glyphosate, il précise qu’avec des outils à dents utilisés par temps sec, on peut aussi venir à bout de cette vivace. « Il faut juste se réapproprier l’emploi des outils », estime-t-il.
En 2019 toutefois, il n’a pas eu d’autre choix que d’employer du glyphosate au moment du rouissage du lin textile. « Les deux années précédentes, les conditions météorologiques m’avait permis de m’en passer, se remémore Jean-Paul Jourdain. Mais en août 2020, nous avons finalement eu assez régulièrement des précipitations. Je me suis retrouvé avec une végétation dense, notamment de la renouée liseron, qui empêche de bien récolter la culture. »
S’adapter sur lin fibre
En 2021, l’usage demeure encore possible pour les liniculteurs mais pas pour ceux qui, comme Jean-Paul, ont signé le contrat de transition avec la Région normande. « Je ne crois pas que l’emploi d’herbicides plus efficaces en cours de végétation puisse pallier ce problème, juge ce dernier. Ils ne peuvent disposer d’une aussi longue persistance d’action. J’ai donc prévu, si nécessaire, de soulever et de retourner davantage le lin pour ne pas favoriser la levée des adventices. Même si cela peut décaler le temps de rouissage, voire abîmer quelque peu la filasse, il s’agit d’un compromis à trouver. »
Céline Fricotté