Située au nord de l’Eure-et-Loir, à l’est de Dreux, l’exploitation de Xavier Pelé s’étend sur des plaines céréalières. Mis à part quelques vallées de rivières, le relief est assez plat. Et pourtant, sur ces sols très superficiels, l’érosion est un véritable fléau.

Certaines parcelles du secteur sont complètement appauvries sous l’effet de l’érosion. Xavier Pelé a pris conscience de ce phénomène lors d’un violent orage fin août, en 2011. « Il venait de tomber 110 mm en quelques heures et mes parcelles de colza, semées en direct, étaient encore debout. Je n’ai eu que 3-4 ha à semer à nouveau sur les 50. Cet événement m’a ouvert les yeux sur l’érosion hydraulique, mais aussi sur l’érosion éolienne par le déchaumage. Cela m’a confirmé que le non-travail du sol était la solution pour arriver à produire sur mes sols fragiles. »

Un seul passage

Déjà initié aux TCS (techniques culturales simplifiées), depuis 2007 pour des raisons économiques et techniques (« à cause des silex, deux jours de charrues, c’est une demi-journée d’atelier »), Xavier Pelé ancre ses pratiques dans l’agriculture de conservation. Pour travailler le moins possible le sol, il doit modifier son parc matériel. L’objectif est de semer directement dans des couverts vivants, en remuant la terre le moins possible, en un seul passage. Il conçoit ou modifie lui-même les engins pour baisser ses charges et répondre à ses besoins. Pour semer le maïs, il transforme une vieille bineuse en strip-till à six éléments.

Pour les couverts, les céréales et le colza, il modifie un semoir à dents, un Allseeder de Köckerling de 6 m. Il change les dents par des dents « queue de cochon », plus rigides. La barre niveleuse, au début de l’engin, lui permet de greffer des disques pour couper les végétaux et éviter l’effet « râteau » lorsqu’il sème du blé dans un couvert. Il loue un semoir Claydon à une agricultrice du secteur.

Après dix ans en semis direct, et quelques déboires avec les limaces, Xavier Pelé a opté pour la fertilisation localisée. « Cela permet de donner de la vigueur à la culture dès le départ. La plante ne végète pas et on évite les attaques des ravageurs. » Il injecte, à 3 cm de profondeur derrière la ligne de semis, un engrais liquide NP (10/30), adjuventé de zinc et d’acide humique (50 l/ha pour le colza et 40 l/ha pour le blé).

Toujours des couverts

Pour préserver la matière organique, Xavier implante systématiquement des couverts. Pour les intercultures longues, avant du maïs ou de l’orge, il sème une majorité de féverole (40 kg/ha), mélangée à de l’avoine rude, de la moutarde, du radis fourrager, du lin, du mélilot et du trèfle. « Je sème trois jours après la moisson, avec le semoir, comme une culture à part entière. Cela fonctionne bien tant au niveau de l’implantation que de la lutte contre les adventices. » Avec quelques achats de graines et sa propre production, le mélange de couvert lui revient entre 25 et 50 €/ha.

En interculture courte, une pratique qu’il expérimente depuis quelques campagnes, l’enjeu est d’obtenir une synchronisation entre le développement du couvert et le semis du blé. Cette année, il a semé les couverts au 20 août et le blé au 14 octobre, après un passage à 1 l/ha de glyphosate. « Cela a bien fonctionné. Le couvert a éliminé 90 % des adventices. Certaines années, le couvert est trop développé, il faut alors le broyer et passer un rouleau… », précise Xavier.

Pour ce qui concerne la rotation, le céréalier est limité par le potentiel faible de ses sols. Il a quand même introduit de l’orge de printemps, du maïs et de la féverole, en plus du blé et du colza. Pour apporter davantage de légumineuses, il associe du colza et de la féverole. Une technique qui perturbe les altises et qui dynamise l’activité biologique du sol. Xavier augmente la densité du colza, à environ 70 pieds/m² et ajoute 25 à 35 pieds de féverole, semée à la volée. Depuis trois ans, le rendement est stable.

Concernant la fertilisation, 8 t/ha de fumier de cheval et 2 t/ha de fumier de volaille sont apportés tous les trois-quatre ans, en plus de la fertilisation azotée soufrée chaque printemps. « Je préfère investir dans la fertilité que dans du matériel. »

En dix ans, la structure et la couleur de son sol ont considérablement évolué. Les vers de terre et les auxiliaires sont beaucoup plus présents. Le mulch amortit les pluies et la battance a été réduite. Le taux de matière organique est passé de 2 à 2,5 %, voire 3 % dans certaines parcelles et la rétention d’eau a augmenté de 25 mm.