Àla ferme de la Bourzaie, le lien au sol s’élève à 46 % : l’exploitation produit 300 tonnes d’aliment par an, pour des besoins estimés à 650 tonnes pour l’élevage des porcs. Philippe Moureaux recherche avant tout une cohérence entre ses productions végétales et animales. Alors que l’alimentation représente 70 à 80 % du coût de revient en production porcine, il en va aussi de la viabilité économique de l’élevage.

Installé en 1981, Philippe s’est converti à la bio il y a dix ans. « Auparavant, pendant près de dix ans, nous avons produit pour une filière de porc alternatif, le nourrain mayennais, avec un cahier des charges qui imposait le naissage en plein air », raconte l’éleveur.

Jusqu’alors réticent à passer en bio, plus en raison de la gestion des cultures que de la partie élevage, le producteur et sa conjointe Armelle ont franchi le pas en 2008. « Nous sommes restés à 130 truies. Nous avons fait le choix d’engraisser la moitié des porcelets et de vendre l’autre moitié, soit 1 200 porcelets, chaque année », expose Philippe. Cette orientation leur a donné la possibilité d’embaucher un salarié et de disposer d’une plus grande souplesse de travail. En revanche, conserver autant de mères leur a fait perdre en autonomie alimentaire. D’autant qu’à l’époque, ils ne disposaient que de 47 ha de SAU.

Côté bâtiments, seules les porcheries d’engraissement ont été réaménagées pour les mettre sur paille : « Il a fallu casser les caillebotis et créer des courettes extérieures. » Philippe a également construit 60 nouvelles places. Les parties maternité et gestante étaient déjà en plein air, de même que la verraterie et le postsevrage.

Acheter des céréales localement

Au fil du temps, les reprises de 10 ha de foncier et, surtout, de 30 ha en 2017, ont permis à l’éleveur d’améliorer son autonomie alimentaire, pour atteindre 46 %, contre 35 % auparavant. La réglementation européenne impose qu’au moins 20 % de la ration annuelle des porcs soit constituée d’aliments produits à la ferme, ou provienne d’exploitations bio de la même région. Aussi, ces hectares supplémentaires assurent une meilleure rotation des cultures (voir l’infographie).

En 2016, Philippe a investi dans une fabrique d’aliment à la ferme (Faf). Avant cette date, l’éleveur consommait toutes ses céréales – maïs humide, mélanges céréaliers – et complétait avec des aliments du commerce. Désormais, il n’achète plus d’aliments mais des matières premières, auprès d’exploitations bio locales, essentiellement le triticale et la féverole. « En orge, je passe des contrats via mon groupement Bio Direct », précise-t-il. Les céréales de la ferme et celles achetées sont stockées dans cinq cellules, d’une capacité totale de 260 t. Le maïs humide est conservé dans un silo couloir (capacité de 120 t).

La fabrication à la ferme nécessite toutefois une nouvelle organisation. « La récolte va souvent très vite, poursuit-il. Il faut avoir une bonne capacité de réception. » L’objectif de Philippe est d’augmenter son volume de stockage, pour gagner en souplesse. Les céréales doivent être propres et pas trop humides. Il a investi dans un trieur pour enlever le vert. « Dans l’idéal, un petit séchoir serait nécessaire, pour plus de sécurité », estime l’éleveur. Il faut compter une vingtaine de minutes pour produire 2,5 tonnes d’aliment chaque jour, du lundi au samedi.

Protéines végétales

La ressource en protéines reste la plus importante difficulté. En bio, les acides aminés de synthèse sont interdits, il faut donc apporter des protéines par les végétaux. D’où le travail de Philippe sur les mélanges céréaliers : triticale-pois, triticale-féverole. Il n’est toutefois pas autonome en protéines : 20 t de levures de bière et 70 t de tourteaux de tournesol, soja extrudé et colza sont achetés chaque année à l’extérieur. L’enjeu est d’autant plus important qu’en 2021 est annoncée la fin de la dérogation qui autorise l’introduction de 5 % d’aliment conventionnel riche en protéines. Tous les ans, Philippe achète également 20 t de minéraux.

L’investissement dans la Faf a coûté 130 000 €. « À terme, elle devrait permettre de réduire le coût alimentaire, assure l’éleveur. Il est proche de 500 €/t. Nous espérons le réduire d’environ 20 €/t. »

Philippe est satisfait de son système : « Aujourd’hui, j’ai 130 truies. L’élevage fait travailler trois personnes, permet de verser trois salaires, de rembourser nos prêts et de dégager de l’autofinancement pour faire évoluer la ferme. »