Installés depuis 1985 pour Hervé et depuis 1997 pour Pierre, les frères Thomin ont démarré la production intégrée (PI) en 2006, après une visite d’exploitation dans l’Oise. « Nous avons commencé par le blé car c’est la culture la plus simple à conduire en PI. Afin de pouvoir comparer, nous avions gardé une partie de chaque parcelle en conduite classique », indiquent les agriculteurs.
Plusieurs leviers agronomiques
Les résultats, satisfaisants, les amèneront à convertir l’ensemble de la sole de blé en 2008. « La rentabilité de la PI sur blé varie selon le prix de la céréale : elle doit, donc, être analysée sur le long terme. Pour des raisons agronomiques et environnementales, nous avons décidé d’adopter la PI chaque année, en acceptant d’y perdre certaines fois. »
Sur blé, le choix variétal, le décalage des dates de semis, la réduction de leur densité (25-30 %) et des apports azotés plus tardifs sont les principaux leviers employés. Les exploitants se servent aussi des mélanges de quatre à cinq variétés, qui donnent la possibilité de lisser les risques.
Sur les autres cultures, l’état d’esprit est le même. Le colza est conduit avec des plantes compagnes (trèfle d’Alexandrie, lentille et gesce) et précédé d’un pois : « Au-delà des économies d’azote (- 70 uN/ha en moyenne), le pois apporte au colza un effet starter, qui lui offre une meilleure levée et une plus grande résistance face aux ravageurs d’automne », explique Pierre. Sur orge de printemps, le choix variétal est moins mobilisable qu’en blé mais les densités de semis sont tout de même un peu abaissées. Quant au tournesol, l’objectif est zéro IFT (indice de fréquence de traitement) : « Cette culture aurait aussi des effets allélopathiques bénéfiques au blé suivant », ajoute Hervé. Les marges de manœuvre sont plus limitées sur pois (ravageurs) et sur œillette (exigences de la filière) mais ces deux cultures contribuent à la réduction des intrants à l’échelle de l’exploitation, grâce à la diversification de la rotation.
Observation et outils d’aide à la décision
« En PI, il faut avoir du temps pour l’observation, ce qui fait qu’elle peut ne pas être adaptée à de grandes exploitations », estiment les deux frères. Plusieurs outils d’aide à la décision sont utilisés : témoins non traités sur céréales à paille, reliquats sortie hiver systématiques sur toutes les parcelles, pince N-tester, modèles de prévision des traitements fongicides… : « Ils nous permettent d’optimiser les intrants au maximum et sont complémentaires du logiciel MesParcelles pour la traçabilité. »
Certification HVE
La marge brute moyenne de l’exploitation (prime Pac incluse) sur la période 2017-2020 s’élève à 1 150 euros/ha, avec des niveaux de charges toutes cultures confondues de 200 à 300 euros/ha : des bons résultats économiques pour les agriculteurs, qui se félicitent de leurs indicateurs environnementaux. En effet, à - 40 % de l’IFT régional de référence sur la période 2011-2015 (2011 étant l’année d’intégration au groupe Dephy), l’exploitation est passée à - 50 % sur 2016-2020. « Je ne pense pas qu’on pourra aller au-delà, sauf à recourir à des produits de biocontrôle, mais l’efficacité n’est pas encore au rendez-vous en grandes cultures », précise Hervé.
Grâce à ces niveaux d’IFT, aux surfaces engagées pour la biodiversité et à un bilan azoté à l’équilibre, l’exploitation serait éligible à la certification HVE (Haute valeur environnementale) : « Nous avons réalisé un autodiagnostic et obtenu un bon score. Une conseillère de la chambre d’agriculture effectuera une étude plus complète en septembre, afin de confirmer notre éligibilité » poursuit-il.
C. Salmon