Déjà engagé en 2004 dans une démarche d’agriculture raisonnée, Antoine Varoteaux avait alors créé des bandes enherbées à base de fétuque et de dactyle afin de réduire la taille du parcellaire. Après l’intégration, en 2012, de l’exploitation dans l’aire d’alimentation de captage de Marle, « transmettre une eau potable aux générations futures » est devenu pour lui une priorité. Il a donc souscrit l’an dernier à deux MAEC (mesures agro-environnementales et climatiques). La première consiste à réduire l’emploi des phytos, hors herbicides (lire l’encadré ci-dessous). La seconde a pour but de créer des bandes mellifères afin d’améliorer la biodiversité. « Ce programme était établi sur deux ans mais entre-temps les modalités de la mesure ont changé avec, notamment, une augmentation de la largeur minimum des bandes et des compensations financières diminuées. Le projet initial n’a donc pas abouti », informe Antoine Varoteaux (lire l’infographie p. 25).
Faire sa semence de ferme
Sa démarche est toutefois le résultat d’une réflexion plus globale. En 1995, il a opté pour le non-labour à la suite d’une formation avec le chercheur Claude Bourguignon et, simultanément, à sa rencontre avec les équipes techniques de l’entreprise TMCE (qui vend des produits minéraux). Le taux de matière organique est ainsi passé de 1,7 à 2,4 %, avec un indice de battance réduit, une érosion moindre, la portance des sols améliorée, mais aussi une faune plus variée. « 80 % de la vie sur terre se trouve sous terre, donc je prends le temps de l’observer et de mieux comprendre son comportement », affirme l’agriculteur.
Pour lui, pas de biodiversité sans une diversité au sens plus large. Cela passe, depuis vingt-cinq ans, par l’enfouissement des résidus, des apports variés d’amendements organiques, un assolement comprenant de nombreuses espèces d’engrais verts, du colza avec des plantes compagnes… Il pratique l’association de variétés sur blé et colza pour des cultures plus fortes. « Je fais aussi ma semence de ferme car, au fil du temps, cette dernière s’adapte à mon terroir et à mes techniques. Elle devient plus résistante aux bioagresseurs et nécessite moins de phytos », juge-t-il.
En revanche, au niveau de l’assolement, il a dû arrêter le pois de conserve à cause de l’Aphanomyces, mais aussi la féverole en raison de la bruche. « Je ne pouvais pas conserver une culture dégradant la biodiversité. D’ailleurs, avec le retrait des néonicotinoïdes, on peut se questionner quant à l’avenir de la betterave, sur laquelle nous passons désormais plusieurs insecticides contre puceron en végétation. Si on ne fait rien, il pourrait y avoir un désordre environnemental et tout un tissu rural et économique pourrait être remis en cause », s’inquiète l’exploitant.
Réservoir à nectar
Finalement, l’aboutissement de ce parcours demeure la mise en place de trois ruches en 2020. « Les abeilles sont d’excellents indicateurs de la biodiversité, appuie Antoine Varoteaux. Mais accueillir des ruches dans l’exploitation, c’est aussi démontrer que ces insectes peuvent cohabiter avec une agriculture raisonnée, car nous ne sommes pas des pollueurs et n’appliquons que des produits homologués. »
Il faut aménager un « réservoir à nectar pérenne ». Après la floraison du colza et des arbres fruitiers, les plantes mellifères puis la jachère à base de phacélie implantée en fourrière du lin (photo ci-contre) prennent successivement le relais. Vient ensuite la floraison des bandes enherbées à base de trèfles et de luzerne. Broyées avant le 15 avril, elles assurent l’alimentation des insectes durant l’été, avant qu’ils se nourrissent avec les lierres aux alentours et les engrais verts. Tout ce qui a été mis en œuvre au fil des ans favorise, par ailleurs, d’autres auxiliaires des cultures, tels que les lombrics, les carabes ou encore la petite faune.
C. Fricotté