À nouveau, la moisson, particulièrement précoce cette année, ne s’annonce pas bonne à Coulanges-sur-Yonne. « Récolter 75 q/ha en blé est devenu rare ici, constate Hugo Verdonck, qui exploite seul 350 hectares en céréales à paille, lentilles, pois de printemps et tournesol. Il faut désormais se contenter de 50 à 60 q/ha. Le colza, qui était implanté sur 100 ha, n’a été semé que sur 20 ha cette année, à cause des impasses techniques (insectes). Avec le gel, on ne récoltera rien. »

L’irrigation s’impose

Lorsqu’il s’est installé en 2001, l’exploitation familiale comptait 2 ha de framboises, groseilles et cassis, avec transformation (sirop et confitures). Le reste était cultivé en colza, blé, orge de printemps et d’hiver. La ferme faisait vivre trois personnes. Quand l’oncle et le père de Hugo sont partis à la retraite, la charge de travail était trop lourde pour conserver l’atelier de petits fruits rouges. L’agriculteur s’est recentré sur les céréales.

Aujourd’hui, en raison des évolutions économiques et techniques, diversifier le système d’exploitation avec des cultures à valeur ajoutée est devenu un impératif. « Il faudrait produire de la farine et la vendre en direct, mais tout le monde s’y met », pointe le céréalier de quarante-sept ans, qui a décidé de planter, il y a deux ans, 10 ha de noyers. « Il s’agit d’essences qui sont naturellement présentes dans nos haies et nos champs. La production peut être menée jusqu’au consommateur, sans laisser la marge aux autres. Le marché est porteur. » C’est en 2016, mauvaise année, que l’agriculteur a commencé à réfléchir sur l’intérêt de cette culture pérenne. Une formation de trois jours sur la production de noix dans le Lot l’a conforté dans son projet, qu’il a partagé avec des membres du groupe céréales de la chambre d’agriculture de l’Yonne. « Pour acquérir du matériel d’occasion au débit correct – pulvérisateur automoteur, tondeuse pour nettoyer sous les arbres, ramasseur-vibreur pour la récolte –, il faut minimum 30 ha, explique Hugo. Compte tenu des cinq dernières années difficiles, il n’était pas question que je parte seul. L’investissement aurait été trop risqué. »

Huit exploitations de Puisaye-Forterre, implantées dans un rayon de 25 km, ont été intéressées. Les noyers engagés collectivement, 77 ha aujourd’hui, ont bénéficié d’une aide à la plantation de 60 %. Celle-ci a été octroyée par l’agence de l’eau Seine-Normandie, en contrepartie d’une baisse de la consommation globale des phytos sur les exploitations. « Nous avons opté pour le bio à cause de la demande et d’un prix de la noix plus stable qu’en conventionnel, précise notre interlocuteur. Et une production qu’on ne connaît pas, autant la faire en bio ! »

Chez Hugo, les 10 ha de noyers – variété Fernor – ont été plantés sur trois parcelles de 2 à 4 ha, dont il est propriétaire. Sèches et caniculaires, les deux premières années ont occasionné des pertes. À l’époque, l’exploitation n’était pas équipée pour arroser. Il a fallu replanter 120 arbres sur les 1 200 en terre à ce jour. Cet été, un système d’arrosage par microaspersion devrait fonctionner. « Étant donné le contexte climatique, l’irrigation s’impose, malgré le coût de l’investissement : 2 500 €/ha tout compris, souligne l’agriculteur. Les arbres ont besoin d’eau pour remplir les noix et pour assurer la pousse de l’année suivante. J’ai la chance d’avoir l’Yonne à proximité. »

Le suivi technique des plantations est réalisé avec l’aide d’une technicienne de la chambre d’agriculture du Lot. Essences robustes, les noyers requièrent peu de traitements. « Nous utilisons essentiellement des macérations à base d’orties et d’oligo-éléments précise Hugo. Au printemps, de l’engrais organique est pulvérisé à petites doses pour favoriser la pousse des arbres. L’hiver, du fumier bio est apporté, surtout les premières années, puis en entretien. »

Anne Bréhier