«Je suis serein pour la fin de l’année et jusqu’en 2020. Au 20 mai, nous avions récolté le stock nécessaire pour alimenter le troupeau laitier pendant un an », lance Adrien Héraud. La ferme familiale est pourtant située à Razines, en Indre-et-Loire, département sévèrement touché par le manque d’eau cette année.

En 2005, lorsqu’Adrien rejoint ses parents et son oncle sur l’exploitation, le troupeau augmente d’une trentaine de vaches. La ration est classique, avec 75 % de maïs ensilage.

En 2014, à la suite d’une formation, l’éleveur modifie complètement son système de production. « Je me suis rendu compte qu’il fallait s’adapter perpétuellement pour ne pas aller dans le mur. J’ai donc revu mon système en partant du sol vers la vache. » En même temps, la MAEC (1) « Évolution en système élevage » vient de sortir. Adrien saisit l’opportunité économique d’être accompagné dans sa transition, entre 2015 et 2020, à hauteur de 177 euros par hectare et par an.

L’éleveur applique les trois principes de l’agriculture de conservation : réduction draconienne du travail de la terre, couverture des sols (couverts et cultures associées) et allongement de la rotation. Il introduit massivement des légumineuses, via des méteils (un mélange de 70 kg de féverole, 25 kg de pois, 20 kg de vesce, 20 kg d’avoine ou triticale), ce qui lui permet de diviser par deux les quantités d’azote minéral à apporter. La sole de maïs est réduite d’un tiers. « J’ai eu la possibilité de me lancer dans le semi-direct, car ma Cuma possédait déjà des semoirs spécifiques », souligne-t-il.

Adrien augmente la surface de méteil jusqu’à 20 ha. Il est récolté tôt, mi-mai, pour obtenir un minimum de 15 % de MAT (2). Mais avec une moyenne de 4 tonnes de matière sèche par hectare, les rendements escomptés ne sont pas au rendez-vous : ils varient entre 2 et 6 t MS/ha. Et le travail des doubles cultures – le méteil d’octobre à début mai, puis du maïs de mai à septembre – nécessite deux fois plus de main-d’œuvre.

Le méteil est réservé aux parcelles saines, soit environ une quinzaine d’hectares. Pour sécuriser le mélange, l’éleveur ajoute du trèfle annuel, semé à la volée. En parallèle, il développe d’autres fourrages, comme l’ensilage de luzerne, le trèfle violet, ou les deux associés, suivant le type de sol. Même dans les prairies multi-espèces, la luzerne est présente à raison de 2 à 5 kg/ha au semis. « Je ne m’en passerai plus, affirme-t-il. C’est une plante qui pousse toujours un peu. Début août, nous avons eu la chance d’avoir 25 mm d’eau, ce qui nous a permis d’effectuer quatre coupes. »

Maïs épi et sorgho grain

Adrien a adapté son système alimentaire à son assolement. Puisqu’il produit des protéines en quantité, il complète la ration avec de l’énergie, et non l’inverse. Le maïs fourrage est abandonné au profit du maïs épi, qui en contient davantage. Depuis deux ans, l’exploitant teste du sorgho grain pour sécuriser et compléter le maïs grain lors des sécheresses. Les rendements de cette année ne sont pas encore connus. « Cela ne sera pas terrible, estime-t-il, mais il y aura quelque chose. Alors qu’avec le maïs, je n’aurai rien. La canicule est tombée au moment de la floraison. »

La ration des laitières est composée de 9,5 kg de matière sèche de maïs épi ou sorgho grain, 10,5 kg de MS d’ensilage de luzerne, de méteil ou de trèfle, 2 kg brut de triticale et de blé, et de 1,5 kg de soja. Les quantités de soja sont ainsi diminuées de moitié.

La production de lait par vache atteint 30 à 32 kg par jour, soit 9 500 litres par an. Une belle performance avec des charges maîtrisées (voir l’infographie). « Cette ration tient la route sur le plan technico-économique, souligne Adrien. Si je supprime totalement le soja, je risque de perdre cet équilibre ».

Grâce à l’apport de légumineuses, l’éleveur est plus serein face aux sécheresses et aux restrictions d’eau. Aujourd’hui, il réfléchit à passer son exploitation en bio à la fin de la MAEC.

Aude Richard

 

(1) Mesures agroenvironnementales et climatiques.

(2) Matières azotées totales.