«La biodiversité existe aussi dans les paysages de plaine de grandes cultures. Il suffit de quelques aménagements pour la favoriser », assure Benoît Collard. Les différents experts qu’il a rencontrés depuis son installation dans les années 1980 à Somme-Tourbe (Marne), notamment au travers des réseaux Dephy et Farre (1), lui ont fait prendre conscience des enjeux du maintien de la biodiversité.

Au milieu des années 1990, l’agriculteur met en place 2 km de haies en bordure de quatre de ses parcelles, en collaboration avec la fédération des chasseurs de son département. Mais ce qui marque autour de son exploitation, ce sont des bandes enherbées au milieu des cultures. Benoît explique qu’il a recoupé ses parcelles en deux. « L’idée, c’est que les carabes peuvent parcourir 80 mètres en une nuit pour se nourrir », dit-il. Pour que l’ensemble de la parcelle puisse leur être accessible, il leur faut donc un abri, bord de champ ou bande enherbée, tous les 160 mètres environ. « Notre matériel phytosanitaire est en 28 mètres, il fallait donc un multiple de cette largeur, soit 168 mètres », détaille-t-il.

Trèfle blanc, sainfoin et fétuque élevée composent les bandes enherbées. « Le souci avec ce mélange, c’est que la fétuque a pris le dessus sur les autres espèces », note Benoît Collard. Il prévoit d’implanter prochainement un autre mélange fleuri, à base de sainfoin, très bénéfique aux pollinisateurs, et éventuellement de mélilot, une autre légumineuse. « Peut-être accompagné de dactyle, qui pousse en touffe et laisse de l’espace pour le reste du mélange », précise-t-il.

La gestion des zones enherbées – en bordure et à l’intérieur des champs –, se fait de manière extensive. « Faucher très tôt, avant le 1er mai, permet un cycle long, qui favorise l’installation d’espèces comme certains oiseaux nicheurs, notamment les perdrix », explique Benoît. L’agriculteur n’a pas de problème de migration d’adventices dans la parcelle. Il assure que la dissémination des graines n’intervient que lorsqu’on mord dans la bordure avec les machines. « Le pire des remèdes est de désherber chimiquement les bordures de champs, considère-t-il. On rentre alors dans un cercle vicieux. » Il explique que cela favorise la reprise d’espèces comme le brome, qui profite du fait qu’aucune autre plante n’occupe l’espace.

L’exploitant estime que ces infrastructures n’attirent pas plus de ravageurs. « Je n’observe pas plus de méligèthes dans mes colzas en bordure. Il y a un équilibre naturel qui se met en place », souligne-t-il, en glissant qu’il avait diminué son utilisation d’insecticides. L’agriculteur insiste par ailleurs sur l’importance d’une rotation diversifiée. « C’est la première des choses à faire pour diminuer la pression parasitaire », affirme-t-il.

Avec l’aide d’un conseiller de gestion, Benoît Collard a chiffré ce qu’il considère comme un investissement pour la biodiversité. « Sur l’exploitation, nous avons décidé de ne pas défricher nos 10 hectares de bois, et de ne pas retourner nos 3 hectares de prairie. Cela fait vngt-cinq ans que ces éléments sont en place. Si nous n’avions pas fait ces choix, nous aurions pu dégager 100 000 euros grâce à ces terres, ce qui représente 4 000 euros par an », estime-t-il.

La gestion de structures représente un coût d’environ 2 000 à 2 500 euros par an, pour l’ensemble de l’exploitation. Pour Benoît, ce sont des investissements sur le long terme. « La biodiversité est un moyen de production important, elle fait en partie le travail à la place des phytos », note-t-il. L’agriculteur admet que l’efficacité de ces structures prises à part est assez faible, mais qu’elles auraient plus d’impact si elles étaient installées sur tout le territoire.

Hélène Parisot

(1) Forum des agriculteurs responsables respectueux de l’environnement.