Il s’agit d’un choix dont se félicitent les deux associés de l’EARL, Romain Bonenfant et Jean-Yves Boucher. « Les petits rendements en céréales (30 q/ha en 2016, 45 q/ha en 2015), conjugués à l’absence de prix avaient mis à mal nos revenus expliquent-ils. Les ovins ont maintenu la trésorerie. » Présents autrefois sur la ferme, puis supprimés dans les années 1960, les moutons sont réapparus en 2011 dans le cadre de l’installation de Romain.

À l’époque, il n’y avait pas d’opportunité foncière pour s’agrandir et Romain avait repris goût à l’élevage à l’occasion d’un stage dans le cadre d’un BTS. Une bergerie de 1 000 m² et un hangar de stockage pour la paille et le foin ont alors été construits (*). Vingt hectares de parcelles caillouteuses ont été remises en herbe et une troupe de 250 brebis a été constituée. Elle compte aujourd’hui 400 mères, un niveau qui permet de sortir un salaire.

Interactions positivesentre les ateliers

Sept ans plus tard, les associés de l’EARL des Herbues pointent les interactions positives des deux ateliers. « Même si notre assolement est diversifié depuis longtemps, des cultures supplémentaires nécessaires au troupeau ont été introduites dans la rotation : les prairies et la luzerne. La légumineuse apporte de l’azote au sol et améliore sa structure. C’est un atout pour l’enracinement des cultures suivantes. »En 2017-2018, 70 t d’orge, de pois, d’avoine ont été autoconsommées par les animaux ainsi que 210 t de paille (25 % en alimentation et 75 % en litière).

La première coupe du trèfle violet porte-graine (obligatoirement fauchée dans le contrat semences) est ensilée et consommée par les moutons (tout comme les premières coupes de luzerne). Multi-espèces (fétuque des prés et élevée, trèfle, sainfoin, lotier, minette), les prairies, implantées sous couvert de céréales au printemps, sont paturées ou récoltées en foin.

Sur les 100 ha de couverts de l’exploitation, 80 ha sont destinés à la conservation des sols. Ils sont détruits mécaniquement au rouleau Faca. Vingt hectares sont valorisés par les moutons. Majoritairement constitués de colza (50 %), de féveroles (25 %), et de vesce (25 %), ils sont implantés derrière une céréale ou une légumineuse. Dix d’entre-eux sont paturés entre fin août et octobre. La casse des tiges par les ovins démarre la destruction des végétaux et nettoie la parcelle. Les dix autres hectares sont récoltés quotidiennement à l’aide d’une Taarup et donnés en vert aux brebis. « Toutes les espèces de couverts ne sont pas adaptées aux moutons. Le sorgho est nocif avant l’épiaison. »

Grâce à ces animaux, l’exploitation récupère une fertilisation azotée directe et pas chère via la pâture, ainsi qu’un très bon fumier, riche en P et K. « Nous avons un peu trop pompé nos sols, estime Jean Yves Boucher. Aujourd’hui, il faut les enrichir en activité biologique grâce aux couverts et au fumier non composté. »

L’agnelage et la moissonse télescopent

L’EARL des Herbues a choisi de ne produire que des agneaux de bergerie car leur conduite est plus simple en termes de surveillance et de main-d’œuvre.

Les brebis sortent toutefois dehors dès que possible autour des bâtiments. Les périodes d’agnelage (trois par an) ont été définies pour vendre les agneaux sous label rouge à Noël et à Pâques, quand ils sont bien valorisés. « L’agnelage d’été se télescope avec la moisson, expliquent les polyculteurs-éleveurs. C’est une contrainte mais on s’organise. Alors que Romain se concentre sur les naissances, Jean-Yves, s’occupe des récoltes. Si besoin, on sollicite un voisin. On a aussi un apprenti deux semaines sur trois. »

Anne Bréhier

(*) L’investissement de départ s’est élevé à 200 000 €(bâtiment, cheptel, matériel, et parts sociales).