L’exploitation de la famille Buchez, à l’est d’Auxerre, est typique des zones dites intermédiaires. Elle évolue dans un contexte pédoclimatique difficile. Les sols, des argilo-calcaires superficiels et séchants, sont en partie caillouteux. Leur potentiel agronomique est limité (en moyenne 60 à 70 q/ha en blé).
Les aléas climatiques se multiplient ces dernières années. « Nous sommes dans un couloir de grêle et les gelées tardives sont fréquentes, explique Francis Buchez, qui gère la ferme avec sa femme Cécile et sa fille Juliette. Cette fin d’hiver 2018, les colzas ont gelé, ainsi que 21 ha des 40 ha de lin emblavés. À la place, nous avons ressemé de l’orge de printemps. »
Historiquement en polyculture élevage laitier, la ferme s’est spécialisée en grandes cultures, il y a une trentaine d’années, avec une rotation simple et efficace : colza-blé-orge. Celle-ci est aujourd’hui remise en cause par les difficultés rencontrées sur la tête d’assolement. De 35 à 40 q/ha dans les années 80, les rendements sont tombés à 26 q/ha en moyenne (13 q/ha en 2015). « De plus en plus d’insectes, tels que les grosses altises, deviennent résistants aux produits, constate l’agriculteur. Le retrait de certaines matières actives complique le désherbage. Avoir de beaux colzas nécessite aujourd’hui de coûteux intrants, avec beaucoup d’azote au semis. Or les cinq dernières années difficiles, marquées par de faibles rendements, des prix de marché en berne et des aides Pac en baisse (moins 150 €/ha entre 2009 et 2017) ont vidé nos trésoreries. » Alors que l’exploitation a cultivé jusqu’à 250 ha de colza en 1985, il faut désormais trouver d’autres cultures pour faire revenir la plante le plus tard possible dans l’assolement (tous les cinq ans au lieu de trois).
Nouvelle tête de rotation
Dans une conjoncture tendue, la famille essaie d’évoluer en faisant du lin oléagineux depuis 2015. « Le lin est une tête de rotation que l’on met derrière une céréale. Après un broyage des pailles et un déchaumage au Carrier (deux passages d’outil à disques), le semis est réalisé mi-septembre avec un semoir à disques (un Rapid Väderstad), suivi d’un coup de rouleau. Autour de la petite graine, le sol doit être bien tassé. Les semences, obligatoirement certifiées, sont traitées au zinc « Angora » (25 kg/ha). La fertilisation se résume à 100 unités d’azote apporté en mars sous forme de solution soufrée. Pour l’instant, par manque de trésorerie, les agriculteurs font l’impasse sur les engrais de fond.
Outre les traitements phytosanitaires à assurer (lire infographie ci-dessus) jusqu’à début mai, la récolte et la gestion des pailles de lin constituent un point clé de la réussite de la culture. C’est la dernière à être fauchée à partir de début août. « Il faut attendre que la plante soit bien mûre, insistent Francis et Juliette Buchez. Le lin se coupe facilement à condition d’être bien équipé, et de récolter la culture quand il fait chaud. Ainsi, plus on descend en humidité, meilleur est le battage, et moins on a de risques d’avoir des pénalités. Il faut intervenir en dessous de 9 points d’humidité pour avoir une bonne conservation.
Il faut couper quand c’est très sec
La machine, une Axial John Deere à rotor, est préparée soigneusement. La lame de coupe est affûtée. Les sections sont changées. Les contre-couteaux sont serrés à fond. « Les graines de lin, bien encapsulées, sont difficiles à battre, observent le père et la fille. » Les Buchez coupent la plante fibreuse à 10 cm de hauteur pour récupérer le maximum de capsules.
Une fois la moissonneuse-batteuse sortie du champ, se pose la délicate question de la gestion de la paille. « S’il fait chaud, c’est plus facile, note Francis. On passe un ou deux coups de rouleau, on attend que la paille sèche sur le champ avant de l’incorporer au sol en labourant, ou bien en passant trois à quatre coups de disques suivis d’un passage de déchaumeur Terrano.
Le lin est une culture technique qui demande de la vigilance. À condition de s’appliquer, on peut avoir de bons résultats. En 2017, alors que les rendements de la coopérative variaient entre 7 et 23 q/ha, ceux des Buchez s’établissaient entre 15 et 19 q/ha. À ce niveau, la marge brute est supérieure de plus de 100 €/ha à celle du colza (30 q/ha en 2017).
Malgré les risques de gel sur la culture, les Buchez réimplanteront l’an prochain 40 ha de lin. Les prix ne sont pas encore définis. « Avec l’augmentation du nombre de contrats, nous craignons que les prix baissent autour de 380 €/t (contre 400 à 450 €/t les années précédentes). »