«Pour produire du lait, nous ne pouvons pas compter sur l’herbe pâturée ! » lance François Bourrut. Sur ses terres sableuses et séchantes de la Drôme, seules les génisses sortent au pâturage. Les vaches laitières en lactation restent à l’étable toute l’année. « La pousse de l’herbe devient une réelle préoccupation, reconnaît François. Pendant des années, nous réalisions une coupe de foin de regain au mois d’août sur nos prairies. Cette année, nous n’en avons quasiment pas fait. Et les parcelles de pâturage réservées aux génisses deviennent rapidement de simples parcs d’été. » La culture du maïs est réalisée uniquement sur les surfaces irrigables. Sur les 22 hectares implantés, 12 ha sont ensilés et 5 ha sont transformés en maïs grain humide. « C’est notre assurance énergie », affirme Christophe, le fils de François.

Double culture de méteil et de sorgho

Afin de valoriser les surfaces non irrigables, les éleveurs ont choisi de diversifier leurs ressources fourragères. « Nous implantons tous les ans 8 ha de ray-grass d’Italie (RGI) en dérobée, que nous ensilons en avril, expliquent-ils. Nous avons également 9 ha de luzerne, valorisés en ensilage au printemps, puis en foin. Enfin, nous réservons, chaque année, 5 à 8 ha pour la double culture de méteil et de sorgho. »

Le méteil est composé de blé, d’avoine, de triticale, de pois et de vesce. Il est exclusivement destiné aux vaches laitières. « Nous le semons en octobre, à raison de 180 kg/ha. Nous gardons systématiquement 30 ares pour la production de semences de ferme », détaille François.

La récolte est réalisée à la mi-mai, « lorsque la vesce est à floraison, et que le pois est en fin de fleur, précise Christophe. Nous fauchons à la conditionneuse, et l’ensilage est réalisé dès le lendemain. Les rendements oscillent entre 6 et 8 tonnes de matière sèche (MS) par hectare, selon les années. »

Une fois le chantier de récolte terminé, le fumier est épandu, et le sorgho fourrager est semé dans la foulée. « Contrairement au maïs, le sorgho supporte mieux les conditions de sécheresse sur les terres non irriguées, observe François. Quand il ne pleut pas pendant un mois, il résiste, alors que le maïs aurait déjà grillé sur pied. » Deux fauches sont réalisées, en août et en octobre, avec un rendement moyen de 6 tonnes de MS par hectare et par fauche. Le sorgho est enrubanné et distribué à volonté aux génisses de renouvellement pendant la période hivernale, en bâtiment.

Une production laitière régulière toute l’année

S’agissant des vaches laitières, la même ration est distribuée toute l’année. Elle repose sur une base de maïs ensilage (75 %), de foin de luzerne (17 %) et d’ensilages de méteil (8 %), RGI (1 %) et luzerne (1 %). L’ensemble est complété avec 2,7 kg de tourteau de soja, 2,3 kg de maïs grain humide et 200 g d’un minéral complet. « La ration est calée à 23 kg de lait environ, pour un coût moyen de 118 €/1 000 l, chiffre François. Nous parvenons ainsi à obtenir une production linéaire tout au long de l’année. »

La grande originalité du système réside dans la confection des silos de stockage des fourrages : « Nous réalisons des silos sandwich, qui contiennent à la fois les récoltes de RGI et de luzerne réalisées en avril, celles de méteil réalisées en mai, puis l’ensilage de maïs réalisé début septembre. » Pour ce faire, les éleveurs s’y prennent en plusieurs étapes (voir infographie). Cette technique leur permet une reprise facilitée à la désileuse, tout au long de l’année. « La ration des vaches est directement prélevée au silo. Nous gagnons du temps au quotidien », analyse Christophe. Malgré les multiples ouvertures et fermetures des silos, les agriculteurs ne relèvent pas de problèmes de conservation, et ce, sans recourir à l’utilisation de conservateurs.

En dépit de l’absence de pâturage dans l’alimentation des vaches laitières, les éleveurs ne se considèrent pas « déphasés économiquement ». « Nous parvenons à distribuer une ration diversifiée et sécurisante sur le plan zootechnique. Les vaches ruminent bien, et sont en bonne santé », atteste François. Les deux associés n’en ignorent pas moins la tendance actuelle, qui encourage le pâturage en élevage laitier. « Il faut faire preuve de réalisme, soulignent-ils. Le pâturage n’est pas possible partout. Nous nous apercevons au fil des années que le climat handicape de plus en plus la pousse de l’herbe dans certaines zones. C’est le cas chez nous, et nous nous sommes adaptés. »