Depuis leur installation en 2012, Éric et Luc Messéan ont deux objectifs : faire remonter le taux de matière organique et impacter le moins possible le sol. « Nous sommes dans une région de cultures industrielles, où il y a des problèmes de tassement », précise Éric.

D’autant que leurs sols sont des limons profonds à faible teneur en argile, riches et productifs mais peu résistants aux agressions mécaniques. Ces types de sols, s’ils sont abusivement travaillés et appauvris en matière organique, peuvent se compacter et s’effondrer sur eux-mêmes.

Les frères ont construit leur système autour de trois bases : l’introduction de couverts végétaux, la diversification de la rotation et la diminution du travail du sol. Les couverts sont implantés entre les blés et les cultures de printemps (betteraves, maïs, féveroles ou pois). Ils sont constitués d’un mélange comprenant 50 % de légumineuses, 25 % de graminées et 25 % d’autres familles (crucifères, composées…), et sont semés dès la récolte du blé. Depuis septembre 2016, les céréaliers sont également devenus éleveurs : ils ont acheté un troupeau de 53 agnelles de race texel qu’ils ont mises à pâturer tout l’hiver dans les couverts, puis sur une prairie temporaire. « C’était un moyen de valoriser les couverts au lieu de les détruire, explique Éric. Et ce sont des animaux légers, qui abîment moins de sol que les vaches. » L’introduction d’animaux permet aussi d’enrichir leurs sols.

Fournir de la biomasse

Pour la fertilisation des cultures de printemps, les agriculteurs apportent une base de fumiers de volailles et de vinasses de sucreries, complétée au printemps par une localisation d’azote et de phosphore minéral au semis. Leurs pailles ne sont pas exportées. « Il y a un réel intérêt à avoir du maïs dans sa rotation, car cette culture fournit beaucoup de biomasse », ajoute Éric. En moyenne, le taux de matière organique dans leurs sols est de 2 %.

La diminution du travail du sol se fait progressivement. « Il y a quatre ans, toutes nos cultures de printemps étaient labourées », se rappellent les frères. L’année d’après, ils ont réalisé la moitié des semis de maïs en non-labour. L’an dernier, un tiers des maïs étaient semés en direct, et deux tiers avec un travail du sol à 5-10 cm. « Nous avons eu de meilleurs résultats avec le semis direct, et cette année, tout le maïs était semé en direct », rapportent-ils. Le couvert a été détruit au glyphosate (2 l/ha) avant le semis. « Nous avons fait un passage de rouleau après le semis, afin de favoriser le contact entre la graine et la terre, et ainsi détruire les limaces. »

Sur une des parcelles, les agriculteurs ont réalisé un présemis en RTK en passant le semoir à vide, afin de réchauffer le sol. La technique a été efficace, d’autant que cette année les maïs ont subi le gel au moment de leur germination et que la présence d’un couvert ne permet pas au sol de vite se réchauffer. Pour le maïs, les frères ont investi dans un semoir d’occasion monograine John Deere MaxEmerge, doté de chasse-débris et d’un système de fertilisation sur le rang.

Pour l’instant, deux tiers de la sole de betteraves sont encore labourés. « Nous faisons un labour peu profond, à 18 cm, et ne repassons qu’une seule fois avant le semis avec un outil à dents afin de limiter les tassements », précise Éric. Pour le tiers restant, les agriculteurs réalisent un passage de chisel à 15 cm, après avoir broyé le couvert. Cette année, ils ont testé le semis de betterave après un travail superficiel sur 5 cm, sur une parcelle dédiée aux essais. La culture est bien partie, et la parcelle est propre.

Rigueur et anticipation

L’idéal, selon eux, pour se lancer ? « Démarrer par ce qui fonctionne le mieux, c’est-à-dire en semant un blé en direct après une légumineuse, du colza ou du maïs, en veillant à ce que la récolte ait été faite dans de bonnes conditions. » Les économies se font sur les charges de mécanisation, mais également sur le désherbage. « Nous avons réalisé uniquement un désherbage d’automne dans notre blé de maïs, et la parcelle est très propre », complète Luc.

Leur objectif est de tendre vers le « 100 % semis direct », mais ils se laissent la possibilité de revenir en arrière et de retravailler le sol si besoin. « On peut vite accumuler les problèmes en faisant de mauvais choix, par exemple l’impasse sur le désherbage à l’automne, et on se retrouve vite dépassé, prévient Éric. Il faut pouvoir se donner la possibilité de casser le cycle avec un labour, pour repartir sur des bases propres. Passer au semis direct demande de la rigueur et du suivi, il faut réussir à bien anticiper. »