«Nous avons toujours produit des pommes de terre de consommation pour l’industrie, explique Antoine Poupart, exploitant, avec son épouse Patricia et son fils Louis, au sein de l’EARL de la Ferme de Mézoutre. Un jour, nous avons rencontré Bertrand Bayard, de Bayard distribution, qui cherchait des producteurs pour produire de la juliette des sables dans des terres assez sableuses. » C’était le cas chez lui, il a donc décidé de faire un essai sur 4 hectares et, depuis, il en a toujours cultivé. « Nous avons aussi testé une autre variété spécifique, ‘Blue Belle’, mais l’essai n’a pas été concluant, la juliette est beaucoup mieux adaptée à notre terroir. » Antoine Poupart produit également une variété destinée à l’industrie de la chips, ‘Lady Claire’, sous contrat avec la société Chipex et la coopérative Expandis.
Cette année, l’agriculteur picard a implanté 10 hectares de juliette des sables sur ses 40 ha de pommes de terre. « C’est une pomme de terre qui ne ressemble à aucune autre, déclare-t-il. Elle n’a pas forcément une belle peau, mais c’est son goût qui fait sa particularité. Quand on goûte une juliette, on comprend immédiatement qu’elle mérite sa place sur le marché des pommes de terre haut de gamme et pourquoi elle intéresse les restaurants et les connaisseurs. »
Peu gourmande en intrants
Côté production, au-delà du choix du terroir, elle n’est pas trop compliquée à cultiver. « Elle n’est pas gourmande en produits phytosanitaires, car elle est relativement tolérante au mildiou, souligne Antoine Poupart. La juliette nécessite aussi moins d’azote que les autres variétés, 120 à 140 u une année à reliquats moyens, contre 220 à 240 u pour ‘Lady Claire’. Le fait de disposer d’une variété moins sensible au mildiou, de traiter en bas volume (1), à 50 l/ha avec réduction de doses, nous permet d’économiser, une année à pression normale, de 15 à 20 % de fongicides. » Les plants reviennent, en revanche, beaucoup plus cher que pour les variétés destinées à l’industrie : 2 000 €/ha, contre aux alentours de 800 €/ha pour les chipables. Et l’économie sur la fertilisation et les fongicides n’est pas suffisante pour amortir le surcoût des plants.
Des calibres 28-50 mm
La juliette des sables est une variété à cycle court, mais pas spécialement précoce. Antoine la plante en général la première quinzaine d’avril, à l’aide d’une planteuse Grimme 4 rangs, avec formation des buttes définitives à 47 000 pieds/ha, lorsque Lady Claire est implantée à 40 000 pieds. La juliette n’est pas non plus trop gourmande en eau. « Une année à pluviométrie normale, deux tours d’eau de 20 mm, au moment de la tubérisation, entre le 5 et le 20 juin et en début du grossissement, début juillet, suffisent. Il faut en prévoir quatre à cinq avec les chipables, précise l’agriculteur. » Le producteur la récolte en septembre, juste avant ses parcelles de ‘Lady Claire’. « L’objectif est d’obtenir des tubercules pas trop gros, il faut viser le calibre 28-50 mm, poursuit-il. Pour vérifier le stade optimal du défanage, à partir de début août, Bertrand Bayard effectue des prélèvements dans la parcelle. » Pour stopper la végétation, Antoine Poupart réalise un broyage, suivi d’au moins une application de défoliant, Spotlight à 1 l/ha. À la récolte, le rendement oscille entre 35 à 55 t/ha et fluctue plus qu’avec les autres variétés.
L’investissement dans le stockage est différent entre les deux types de production. Pour la juliette des sables, l’EARL a investi 120 000 € dans un bâtiment de stockage de 600 t, 50 000 € dans un groupe froid et 70 000 € dans les caisses palox. Alors que le reste de la production est stocké en vrac dans un bâtiment ventilé non réfrigéré. Heureusement, l’agriculteur s’y retrouve sur le plan économique, puisque la juliette des sables lui permet de dégager, en moyenne, un chiffre d’affaires de 8 000 €/ha.
Le prix est prévu au moment de la signature du contrat, et dépend du niveau de qualité du lot, selon une grille visuelle interne à Bayard. Il est en moyenne de 230 €/t, contre 90 à 110 €/t en bout de champs à la récolte pour les chipables. Contrairement aux pommes de terre pour l’industrie, où le prix augmente avec la durée de stockage, Bayard paie aux agriculteurs une prestation de service pour le stockage, de 25 à 45 €/t selon la durée.
(1) Avec un pulvérisateur John Deere traîné de 36 mètres, XR80-015.