«La première motivation qui nous a conduits à mieux raisonner nos intrants a été économique, explique Marie-Claude Gautrain, de l’EARL des Fouets à Douchy-Montcorbon. Au début des années 2000, quand le prix du blé est tombé en dessous de 100 euros/tonne, nous nous sommes interrogés sur notre capacité à maintenir nos marges. A la même époque, des pollutions aux nitrates et phytosanitaires ont été détectées dans le bassin d’alimentation de captage de Douchy-Montcorbon, sur lequel est située la moitié de nos terres. »

Les rotations, déjà diversifiées, ont été allongées et enrichies avec des protéagineux. « Ici, nous n’avons jamais pratiqué de rotations simples de type colza-blé-orge, souligne l’agricultrice. Même si les cultures de printemps sont moins rentables, elles permettent de maintenir le coût de désherbage à un niveau raisonnable : 52 €/ha en moyenne, contre 77 €/ha pour le groupe technique de référence en 2016. Nous avons la chance d’avoir 70 % de sols profonds, qui nous permettent de diversifier nos cultures. Humides, les limons sur argiles blanches, ont été drainés. C’était indispensable. »

Le labour, réalisé systématiquement avant le semis de toutes les cultures, contribue aussi à contenir la pression des mauvaises herbes. « Nous sommes les seuls dans le réseau Ecophyto Dephy Yonne à continuer à labourer, ce qui peut paraître assez dépassé, note Marie-Claude. C’est certes plus de travail, mais nous sommes moins dépendants du glyphosate. Heureusement, nous n’avons pas trop de terres caillouteuses qui usent les socs. »

Le choix de variétés de céréales moins sensibles aux maladies a permis de réduire les fongicides. « Nous avons toujours visité les essais mis en place par les chambres d’agriculture, Arvalis, ainsi que ceux de la coopérative Caproga, expliquent les associés de l’EARL. Nous avons mené nos propres tests, en mettant en place des bandes témoins dans certaines parcelles. Les variétés de céréales à paille les plus adaptées à nos sols froids, conciliant au mieux résistances aux maladies et rendement, ont été conservées. » Pour le blé, pas de Pakito, mais du Boregar, du Rubisko, du Goncourt dans les terres à cailloux, du Fructidor, du Descartes (derrière maïs). Cette année, un essai va être fait avec du Nemo.

Deux MAE contractualisées

Les agriculteurs ont signé en 2009 une première MAE territorialisée sur 80 hectares, avec une réduction de 50 % de l’IFT (2) hors herbicides et un plafonnement de la fertilisation azotée à 120 unités à l’hectare.

En 2014, l’EARL a contractualisé une MAEC (3) système grandes cultures niveau 2, avec réduction de l’herbicide de 40 % en année 5 (1,26) et de l’IFT hors herbicide de 50 % (1,8 avec traitement des semences). 132 hectares ont été engagés, ce qui permet de faire une rotation et de répartir les risques. « Atteindre les nouveaux objectifs sera plus difficile cette fois, commentent les agriculteurs. Pour y parvenir, il faut être très vigilant et surveiller étroitement les adventices nuisibles, ray-grass et chardons. Les faux semis, détruits mécaniquement, doivent être faits dans de bonnes conditions. Il ne faut pas non plus hésiter à sortir le pulvérisateur pour traiter un rond la où il y a quelques chardons. Il nous arrive de désherber les bordures ou les taches à la binette, quand c’est faisable, pour ne pas nous laisser envahir. Il faut essayer d’avoir un temps d’avance sur les mauvaises herbes. »

Observer les parcelles

Dans cette démarche parcimonieuse en intrants, les économies les plus importantes sont liées à la diminution des insecticides, fongicides et régulateurs. Les associés consacrent pas mal de temps à observer leurs parcelles avant d’intervenir et, reconnaissent-ils, font parfois des erreurs formatrices. « Sur blé, où l’on n’emploie en général qu’un seul fongicide voire aucun comme en 2011, il ne faut pas louper le traitement et bien le positionner. » Pour s’aider, les agriculteurs croisent toutes les informations disponibles : les Bulletins de santé du végétal, les préconisations des chambres d’agriculture de l’Yonne et du Loiret, les observations locales de la coopérative.

Comparés aux résultats du GRCeta du Sénonais, auquel l’exploitation adhère, les rendements de l’EARL sont sensiblement équivalents : 77 quintaux à l’hectare en blé, en moyenne, entre 2009 et 2015, 62 q/ha en escourgeon, 34 q/ha en colza, 35 q/ha en pois de printemps, 90 q/ha en maïs. « Globalement, sauf en 2016 année catastrophique en céréales à paille, nous sommes satisfaits de nos marges », soulignent Marie-Claude et son fils Alexis.

(1) Mesure agroenvironnementale.

(2) Indice de fréquence de traitement

(3) Mesure agroenvironnementale et climatique.