«Les serres sont probablement notre plus gros pari », résume Régis Mazelin, de Frébécourt. Des serres, construites au printemps dernier, et dont Quentin Labet, neveu de Régis, est le responsable, aidé dans la production par une apprentie. La société qui gère l’activité est une SAS, Les Jardins Lassus, associant six agriculteurs. Ceux-ci ont mis en commun les fonds nécessaires à la construction, pour un coût total de 150 000 €. Les serres seront chauffées cet hiver en utilisant une partie de la chaleur produite par l’unité de cogénération toute proche. Le tout étant situé sur l’exploitation de Silvère Adam, à Coussey. « Les affaires marchent bien, souligne Quentin. Nous produisons toutes sortes de légumes vendus aux particuliers qui viennent sur place et à quelques restaurateurs du secteur. »

Les Jardins Lassus est la dernière réalisation issue du rapprochement de plusieurs agriculteurs des environs, après l’assolement en commun et la méthanisation. « Nous cherchions la meilleure valorisation possible d’une partie de la chaleur produite par la centrale de cogénération, explique Silvère Adam. L’hiver, les serres consommeront environ 270 kWh, sur les 600 produits. Le reste servant à sécher des plaquettes, dans mon ancien bâtiment d’élevage. Une activité qu’il est facile de moduler en fonction des besoins pour l’atelier légumes. »

Société en participation

Les bases de ce regroupement de trois, puis quatre exploitations, ont été jetées il y a dix ans. « Nous avions l’habitude de travailler ensemble, avec de bonnes affinités professionnelles, via deux Cuma, explique Régis Mazelin. Nos parcelles étaient voisines, et de l’échange de matériel puis de main-d’œuvre est venue l’idée d’aller plus loin. Avec beaucoup de discussions, de rencontres, nous avons opté pour l’assolement en commun. Plus souple qu’un « maxi Gaec » où les troupeaux auraient dû aussi être regroupés. » Une SEP, société en participation, est mise en place, regroupant alors trois structures (voir encadré « Contexte »). Une quatrième l’a rejoint en 2010, permettant à Christine Mougin, de Moncel-sur-Vair, de faire face au décès de son mari. Grâce à l’intégration dans la société, Guillaume, son gendre, peut se consacrer à l’atelier lait, la Sep prenant en charge tout le suivi des cultures.

La mise en commun représente 700 ha, uniquement les Scop des exploitations concernées. La SEP achète les intrants, assure tout l’itinéraire technique, vend la récolte. Les fournisseurs facturent à la société. « L’intérêt du regroupement est dans la diminution des charges, car nous brassons de gros volumes », souligne Régis. La redistribution, sur la base du résultat net, se fait en fonction du nombre d’hectares apportés. « Nous n’avons pas voulu faire entrer la qualité des terres dans le calcul, explique celui qui fait office de chef de cultures. C’est trop litigieux et les parcelles de moins bonne qualité nous permettent de lisser les charges de travail dans le temps. »

Unité de méthanisation

Poursuivant leur réflexion sur le travail en commun, les trois exploitations fondatrices de la SEP décident, en 2008-2009, de mettre en place une unité de méthanisation. Une réflexion née du problème de main-d’œuvre : comment remplacer ceux qui vont partir en retraite. À l’embauche de salariés, les agriculteurs préfèrent créer une nouvelle activité qui permettra de valoriser les surfaces en herbe, tout en diminuant le nombre de bêtes dans les différents troupeaux. L’unité, qui entre en service en 2013, représente un investissement de 2,1 M€. La part du maïs y a bien diminué au profit de coproduits, moins chers : issues de céréales, corn-feed, terres de filtration de glucoserie… Le digesteur est alimenté par les effluents d’élevage pour un peu moins des deux tiers et par de l’ensilage d’herbe. Cet atelier méthanisation est géré via une autre société, la SARL G3 Environnement. La rémunération se fait sous la forme de dividendes.

« Lorsque Régis va traiter, insiste Silvère Adam, personne ne repasse ensuite pour vérifier le boulot. » « Toute notre démarche repose sur la confiance, souligne Rolland Fond, de Frébécourt. Il nous arrive bien sûr de nous engueuler, mais il faut savoir mettre les choses sur la table, faire des concessions. Notre objectif est de tirer toutes les exploitations vers l’avant, et que chacun se sente bien dans son travail. Si l’un de nous a un coup de blues, les autres sont là pour le soutenir. »