Au Gaec des Charolaises, à Forstfeld, les clients viennent chercher leur viande directement à la ferme, le vendredi. « Uniquement de la génisse grasse, précise Philippe Boehmler, à la tête d’un troupeau de 130 charolaises avec son père Francis. Elles ont entre deux ans et demi et trois ans et demi, pèsent entre 380 et 420 kg de carcasse, et sont classées R + à U. L’objectif est de proposer à nos clients un produit régulier. » Sélectionneur passionné, Philippe travaille avec des animaux conformés, mais pas extrêmes. « Nous nous attachons à la qualité de race, la taille, la solidité du squelette, l’arrondi de culotte et le muscle, énumère-t-il. Nous voulons des animaux porteurs de beaucoup de viande dans le dos. Car si ce dernier est large et bien garni, l’animal se tient mieux, et sa longévité n’en est que meilleure. »
À carcasse équivalente, entre un sujet conformé et un animal de type élevage, Philippe constate des différences de rendement en viande pouvant aller jusqu’à 30 kg. « Avec des rumstecks ou des faux-filets vendus près de 40 €/kg, ces écarts font la différence. La marge de l’animal est là. » Ainsi, l’éleveur met un point d’honneur à ne pas déconnecter la génétique de son troupeau de la demande des consommateurs. Et si, aujourd’hui, le « cœur de gamme » joue des coudes pour conserver une bonne valorisation, le Gaec des Charolaises reste convaincu que la solution réside dans le type d’animaux que les éleveurs se donnent la peine de produire. « Dans un marché de la viande tendu, certains peinent à trouver des débouchés avec des animaux charolais un peu moyens, constate-t-il. D’autres se lancent dans le croisement, afin de gagner rapidement en conformation sur la génération suivante, mais c’est, à mon sens, une solution de facilité. Qui plus est, elle ne dure qu’un temps. Après trois ou quatre ans, le gain s’essouffle. »
Rester en veille sur les besoins de la filière viande
Pour Philippe, pas question de se priver des possibilités et de la diversité qu’offre la génétique charolaise, tout en restant en veille sur les besoins de la filière viande. « La sélection charolaise a souvent poussé vers des animaux de type élevage, admet-il. Mais elle s’adapte au marché, dont les attentes ont évolué. Les vaches de 700 kg avec trop d’os, par exemple, n’attirent plus les bouchers. Et si la fibre de la viande est trop fine, le risque est d’avoir des morceaux durs. »
Cette modulation selon les besoins de la filière existe aussi en Allemagne, où le Gaec vend régulièrement des reproducteurs. « Les éleveurs y sont en quête de grandes vaches, avec beaucoup d’os, mais la tendance commence à s’inverser, poursuit l’éleveur. Nous participons régulièrement à leur concours national, auquel l’Alsace est historiquement conviée. Sur le ring, nous avons toujours les animaux les plus conformés, et cette année nous avons décroché le prix d’honneur. »
Le Gaec n’utilise que des taureaux en monte naturelle, ou la semence de ses propres reproducteurs, préalablement prélevée. Afin de renouveler régulièrement les origines, les associésachètent cinq mâles par an. « Pour 130 vêlages, nous utilisons une dizaine de taureaux, calcule Philippe. Chez nous, ils tournent très vite, car pour progresser, il faut tester. Bien sûr, un bon reproducteur peut faire une carrière entière à la ferme. » Aucun mâle n’est engraissé sur place. Les meilleurs sont vendus comme reproducteurs, en France ou en Allemagne (lire l’encadré). Cela représente environ trente animaux chaque année, « mais chez nous comme Outre-Rhin, le commerce des mâles souffre de la mauvaise conjoncture de la viande », constate Philippe. Les autres animaux sont vendus en atelier d’engraissement.
100 génisses par an
Quant aux génisses, toutes sont conservées. Près d’une centaine sont engraissées chaque année, à l’herbe et avec un aliment du commerce à base de lin. L’engraissement dure au moins quatre mois. L’an dernier, pour la première fois, la production n’a pas suffi à couvrir les besoins pour la vente directe. Philippe a dû acheter des animaux à l’extérieur. « Notre clientèle augmente, car nous avons aussi intégré un magasin de producteurs, au centre de Strasbourg, qui regroupe vingt-deux agriculteurs en productions variées, ajoute-t-il. Nous sommes également engagés dans la start-up La ruche qui dit Oui, pour livrer des paniers aux consommateurs. »