C’est à la demande de son client, les établissements Frizet&Fils à Aubignan (Vaucluse), que Marc Giunta a adopté la protection biologique intégrée (PBI) pour sa production de fraises hors sol sous abri. « Ils avaient une demande de leur clientèle pour des produits avec moins d’intrants phytosanitaires », explique le jeune agriculteur. La PBI repose sur l’observation, la prophylaxie et l’introduction d’auxiliaires sous les serres. Marc Giunta produit ses fraises, ciflorette et cléry, à partir de plusieurs sortes de plants. Les tray-plants et les plants frigos, pour moitié. Les premiers ont reçu, en pépinières, un quota d’heures de froid en frigo durant trente à trente-cinq jours, pour être directement mis en culture en décembre. Les seconds sont stockés au frigo quatre à six mois, jusqu’à la plantation au mois d’août. « Ils nous permettent d’échelonner le calendrier de récolte jusqu’à la fin de la saison et, in fine, de répondre à la demande de nos partenaires commerciaux sans interruption », explique Marc Giunta. Les fraises issues de tray-plants sous abris chauffés sont ainsi plus précoces, autour du 8 mars cette année.

« Nous pratiquons la PBI sur l’intégralité de ces cultures, excepté sur les plants frigos sous tunnel non chauffé, qui représentent un tiers du parc de serre », ajoute-t-il. Ces plants entrent le plus tardivement en production, aux alentours du 10 au 20 avril. « Le laps de temps entre le moment où nous les effeuillons, fin février, et l’entrée en culture, est trop court pour que nous ayons le temps d’installer correctement les auxiliaires utilisés en PBI », précise le producteur. Il en a d’ailleurs fait les frais. Il y a deux ans, il a tenté l’expérience, mais s’est fait rattraper par le thrips. « Nous n’avons pas pu en venir à bout, se souvient-il. C’est la principale difficulté à laquelle je me suis heurté. »

10-12 °C sous serre

Trois semaines avant d’implanter les prédateurs utiles dans ses serres, Marc réalise un traitement insecticide, si nécessaire. Fin février, il a introduit Neoseiulus cucumeris, pour lutter contre le thrips. « Il nettoie les larves sur fleur, précise le fraisiculteur. Il est positionné en premier dans la protection, car il supporte bien le froid. » La température sous serre ne doit cependant pas tomber en dessous de 10-12 °C. Sans quoi, il disparaît. Le producteur a déposé un sachet contenant une population de cet auxiliaire tous les deux mètres dans ses serres. Il a effectué un second dépôt, trois semaines après, avec Amblyseius swirskii, dans les mêmes conditions. Ce dernier prévient les attaques de thrips, mais aussi d’aleurodes.

« Le plus difficile, observe l’agriculteur, c’est la lutte contre le puceron. Il en existe, en effet, sept espèces recensées qui s’attaquent au fraisier. Nous employons donc un mix de parasitoïdes, afin d’avoir la couverture la plus large possible (voir infographie). » Aux alentours du 7 mars, Marc a mis en place le mélange, qui se présente dans une fiole, à raison de quatre flacons pour une serre de 700 m2. Il pratique un second dépôt quinze jours plus tard. Sachets et fioles diffusent durant un mois. Les auxiliaires qui s’en échappent restent présents dans la serre jusqu’à la fin du cycle des fraisiers.

Lâchers de chrysopes

Le producteur observe régulièrement l’état sanitaire de ses cultures, afin de prévenir d’éventuelles attaques. Pour les pucerons, avec l’appui des conseillers de ses fournisseurs d’auxiliaires et d’un technicien du Ceta, qui se rend sur l’exploitation tous les quinze jours. S’il remarque des foyers, Marc effectue un lâcher de chrysopes sur les bouquets infestés : dix larves par plante. Sur acariens, en revanche, il a recours aux traitements conventionnels. « Des spécialités existent en PBI, mais elles sont trop onéreuses », explique t-il. Il intervient également de manière classique contre l’oïdium et le botrytis. Néanmoins, il doit employer des molécules compatibles avec la protection intégrée, pour ne pas anéantir les auxiliaires.

Marc n’a pas constaté de baisse de rendement depuis qu’il a choisi ce mode de protection. Il avoisine 42 à 45 t/ha en moyenne par an, soit un peu plus de 4 kg/m2. Le coût de production, en revanche, a grimpé. Il l’estime à 0,7-1 €/m2, sept à dix fois plus qu’en lutte conventionnelle.

L’agriculteur a réduit la fréquence de traitements phytosanitaires de huit à quatre passages, fongicide et insecticide compris. « Nous vendons nos fraises au même prix qu’autrefois. Lors de la campagne précédente, il était en moyenne de 4 €/kg aux expéditeurs, annonce-t-il. La lutte intégrée n’est pas un argument commercial. »

Marc Giunta valorise davantage sa production auprès de la dizaine de supérettes qu’il livre en direct. Situées dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres à la ronde, elles génèrent 35 % du chiffre d’affaires en fraises de l’exploitation.