Le travail superficiel, voire le semis direct strict sur couverts permanents, provoque diverses modifications qui touchent aussi bien l’activité biologique du sol que ses propriétés physico-chimiques. « Nous assistons à une concentration de la matière organique ainsi que de l’acide phosphorique et du potassium sur les premiers centimètres (0-5 cm), et l’horizon de surface a tendance à s’acidifier dans certains sols, » déclare Emile Régniez, chargé de mission agronomie pour le laboratoire Aurea Agroscience à Ardon, dans le Loiret. Dans ce nouveau contexte, il importe peut-être plus encore qu’en technique traditionnelle, de bien connaître l’état de fertilité au travers d’analyses de terre.
Une étude, réalisée à partir d’un réseau de 64 parcelles en non-labour depuis au moins trois ans, mis en place dans toute la France par différents laboratoires d’analyses, montre l’apparition d’un gradient des teneurs en P et K dans environ deux tiers des situations. « L’étude révèle que c’est dans les parcelles les plus pauvres au départ, a fortiori si elles sont fertilisées régulièrement, que l’on voit se former un gradient de teneur avec une concentration plus forte en éléments dans les dix premiers centimètres, » explique Emile Régniez.
Des travaux menés par Arvalis avec des parcelles conduites en semis direct depuis trente-huit ans, confirment. Par rapport au labour, la teneur en P2O5 de l’horizon 10-20 cm chute de quelque 40 %, alors que dans le même temps, elle double dans l’horizon 0-5 cm. La courbe de la teneur en matière organique possède presque le même profil avec une diminution de la concentration de 25 % dans l’horizon profond et un accroissement de 75 % en surface. Les chiffres sont moins accentués pour le potassium et identiques entre les deux pratiques pour le magnésium.
Gare à l’interprétation
Compte tenu de l’enjeu en termes de nutrition des cultures, ce constat conduit à recommander de mieux appréhender l’état chimique et physique de l’horizon superficiel des parcelles conduites en non-labour.
« Pour des raisons de praticité et de faisabilité, le conseil actuel vise plutôt à prélever sur l’horizon 0-10 cm que sur l’horizon 0-5 cm, constate Emile Régniez. Mais dans la mesure où cet horizon est souvent le plus riche, l’interprétation peut conduire à conseiller des doses plus faibles que nous le ferions avec une analyse classique. C’est pourquoi les études vont se poursuivre pour tenter d’étudier, par exemple, l’impact sur le rendement de ce type de fertilisation. »
Par souci de prudence, Arvalis recommande la poursuite durant une dizaine d’années après la conversion des analyses supplémentaires de l’horizon inférieur, 10-20 cm ou 10-30 cm selon sa profondeur. C’est particulièrement vrai pour l’acide phosphorique et la matière organique essentielle à la stabilité structurale et qui représente le stock de carbone du sol. La recommandation est identique pour le pH eau, indicateur indispensable au suivi de l’acidité du sol et pour quantifier les besoins en amendements dans les sols non calcaires.