« Dans le contexte actuel de sécheresse historique, cette mesure peut avoir des conséquences désastreuses avec des pertes importantes pour les producteurs », avertit José Carlos Basaldúa, vice-président de l’association de la filière du soja argentin (ACSOJA). Comme ses confrères, cet agriculteur de la province d’Entre Rios ne voit pas d’un bon œil la seconde édition du « programme d’augmentation des exportations » annoncée par le gouvernement argentin fin novembre.
Déjà mis en place au mois de septembre, ce dispositif surnommé « dollar soja » instaure jusqu’au 31 décembre un taux de change avantageux pour les ventes de soja à l’étranger afin d’accélérer la liquidation des stocks de ce produit qui représente 15 % des exportations argentines. Selon le ministre de l’économie Sergio Massa, la mesure a vocation à « renforcer » les maigres réserves de la Banque centrale en devises étrangères, et à « générer une hausse du niveau d’activité dans les secteurs agricole et agro-industriel ».
Une "entourloupe"
Dans un communiqué, l’Association argentine de producteurs agricoles (AAPA) a immédiatement dénoncé une « entourloupe » ne bénéficiant qu’aux exportateurs. « Les producteurs, dans leur immense majorité, n’ont plus de soja en stock », explique José Carlos Basaldúa, vice-président de l’ACSOJA. « Cela génère en revanche une grande distorsion au sein de la filière, avec une augmentation des prix de l’huile et de la farine de soja qui sont utilisés pour la production animale. Conjugués au problème de la sécheresse, ces coûts de production supplémentaires font passer de nombreux producteurs de l’autre côté de la ligne ténue qui existe entre gagner et perdre de l’argent. »
Des critiques anticipées par le gouvernement, qui a annoncé à la fin de novembre une compensation pour les acteurs affectés par la hausse du prix du soja sur le marché interne. Sur les trois milliards de dollars que les autorités espèrent récolter grâce au programme, près de quinze millions seront destinés à soutenir les éleveurs de vaches, de porcs et de volailles.
Variable d'ajustement
Une compensation en forme de cache-misère, selon José Carlos Basaldúa : « le seul effet que ça aura, c’est d’ajouter de la distorsion à la distorsion. Ce qu’il faut, c’est que les exportations de soja cessent d’être la variable d’ajustement fiscale du gouvernement », poursuit le représentant de la filière, qui pointe également du doigt l’ubuesque système de change de son pays.
En Argentine, le taux de change varie en effet selon ce que l’on veut acheter ou vendre. À côté du dollar officiel, fixé par la Banque centrale à 176 pesos et réservé aux importations, une quinzaine de taux plus ou moins officiels coexistent, dont le fameux « dollar soja », qui s'échange quant à lui à 230 pesos. Pour José Carlos Basaldúa, « tant qu’il n’y aura pas un taux de change unique qui flotte librement, la filière ne pourra pas se développer convenablement ».