Après un passage dans la banque, Benjamin Lammert reprend l’exploitation familiale à Ensisheim, dans le Haut-Rhin, en 2009. Il y réimplante 12 ha de soja, culture alors oubliée depuis 1993. À cette date, l’usine de transformation locale – lait, yaourts, crèmes desserts – passe aux mains du belge Vandemoortele, lequel décide de s’approvisionner au Brésil.
Mais le vent tourne lorsque le président Lula autorise les OGM et « qu’il devient difficile d’avoir du soja tracé », souligne l’agriculteur. De retour dans les rotations, le soja alsacien voit ses surfaces bondir de 1 800 ha en 2014 à 6 250 ha en 2018. Elles sont multipliées par 3,5. La Coopérative agricole des céréales (CAC) livre la collecte à l’entreprise Alpro, qui produit des briques de lait végétal à Issenheim, à 10 km de la ferme Lammert. Sur une SAU de 180 ha, 30 ha sont désormais alloués à l’oléagineux, qui offre un rendement quinquennal de 40 q/ha, aux côtés du maïs (120 ha, 135 q/ha), du blé (20 ha, 90 q/ha) et des jachères (10 ha).
Du fait que le soja parte intégralement en alimentation humaine, « le cahier des charges est strict sur le tri après la récolte, pour en préserver la qualité, souligne Benjamin Lammert. Pas de grains cassés, ni de graines d’adventices – notamment celles de chénopodes dont la densité est identique à celle de soja, de blé ou de maïs –, encore moins des résidus de culture, au risque de créer des problèmes de process dans l’usine. » Le nom des trois variétés inscrites est confidentiel, car « le process Alpro est unique au monde, ajoute-t-il. Elles ont un taux élevé de protéines, ce qui induit un rendement plus faible. Et comme nous sommes dans une zone septentrionale, il s’agit de types précoces 00 ou 000. »
Atouts agronomiques
En dehors du débouché qui est assuré, le soja allonge la rotation et coupe le cycle des maladies, notamment de la fusariose du blé. « Il a des atouts agronomiques, explique l’agriculteur. On n’a pas besoin de labourer après cette culture, car ses racines travaillent le sol tout en fixant l’azote de l’air. » Donc, aucun apport n’est nécessaire. « Enfin, l’importante biomasse des résidus de culture nourrit la terre, qui est plus souple, drainée… La vie du sol y est plus développée. Globalement, le soja contribue à la transition agroécologique de la ferme. J’ai un débouché grâce à la demande des consommateurs, j’approvisionne une usine locale et mon exploitation est gérée de façon plus durable », conclut Benjamin Lammert.
Isabelle Lartigot