Didier Roux, agriculteur installé dans la commune de Champs (Aisne), a fabriqué son applicateur localisé d’azote. La ferme, en polyculture­, exploite 270 hectares, composés de maïs, betteraves, tournesol, blé et escourgeon. « En 2008, quand j’ai commencé à réfléchir à la machine, j’étais encore jeune agriculteur. Donc, pour limiter mes dépenses, j’ai choisi de fabriquer l’outil moi-même », explique l’exploitant.

 

Les tuyaux sont branchés sur une platine installée sur le semoir à maïs. Cette dernière est placée sur celui à betteraves. Pour changer de semoir, Didier débranche les tuyaux de la platine. © P. Denis
Les tuyaux sont branchés sur une platine installée sur le semoir à maïs. Cette dernière est placée sur celui à betteraves. Pour changer de semoir, Didier débranche les tuyaux de la platine. © P. Denis

Réduire les dépenses

Avant d’élaborer son localisateur, Didier est allé voir différentes machines chez d’autres exploitants pour avoir leurs retours d’expériences. « Certaines correspondaient à mes attentes, mais elles étaient trop onéreuses à l’achat. Par conséquent, j’ai choisi de fabriquer mon outil, en partant sur une cuve portée avant, couplée à un système d’incorporation installé sur mes deux semoirs monograine », déclare-t-il.

 

Achetée d’occasion chez un concessionnaire, la boîte de vitesses provient d’un semoir Delfosse. Pour s’y retrouver plus facilement, Didier a fait un tableau qui indique les rapports à adapter en fonction de la dose d’azote. © P. Denis
Achetée d’occasion chez un concessionnaire, la boîte de vitesses provient d’un semoir Delfosse. Pour s’y retrouver plus facilement, Didier a fait un tableau qui indique les rapports à adapter en fonction de la dose d’azote. © P. Denis

Éviter le contact direct

« Avant d’utiliser ma solution localisée, j’apportais mon azote en plein avec un pulvérisateur. Mais dans l’idéal, il faut l’appliquer trois semaines avant le semis. À la sortie de certains hivers, les sols sont très peu portants. Il m’est parfois arrivé de devoir le faire une semaine avant. Derrière, il fallait encore réussir à déchaumer pour l’enfouir. Ma crainte, c’était qu’avec un délai si court la graine soit brûlée par l’azote. Il était également possible de l’apporter après le semis à un stade de 2-3 feuilles, mais là encore, il y avait le risque d’abîmer la culture en la brûlant », expose l’agriculteur.

Pour recharger sa cuve, l’exploitant axonais utilise son chariot télescopique, qui le suit au champ avec un plateau sur lequel il charge les semences et quatre cuves de 1 m3, afin de ne pas dépasser le poids autorisé du plateau. © P. Denis
Pour recharger sa cuve, l’exploitant axonais utilise son chariot télescopique, qui le suit au champ avec un plateau sur lequel il charge les semences et quatre cuves de 1 m3, afin de ne pas dépasser le poids autorisé du plateau. © P. Denis

 

Une étude de l’ITB, « qui stipulait qu’enfouir la solution azotée était l’idéal pour éviter en grande partie l’évaporation, a fini de me convaincre. Je me suis alors lancé dans l’incorporation, car cette solution, en plus de limiter la volatilisation, me permettait de réduire le plus possible les risques de contact direct entre l’azote et la culture ».

Un applicateur DPA

L’applicateur est constitué de deux roues cages, qui étaient déjà présentes dans la ferme. Celles-ci sont liées entre elles par un arbre qui entraîne ensuite tout le système. Le débit est ainsi proportionnel à l’avancement du chantier. Pour faire varier la dose appliquée, l’arbre des roues est relié par une chaîne à une boîte de vitesses composée de neuf rapports. Cette boîte entraîne une pompe péristaltique composée de douze tuyaux qui passent ensuite dans une gaine sous le tracteur. Ils alimentent les douze coutres placés sur chaque semoir monograine de l’exploitant. Le dispositif est utilisé avec le semoir à maïs en six rangs à 77,5 cm (un coutre de chaque côté du rang) et avec le semoir à betteraves en douze rangs à 45 cm (un coutre à côté de chaque rang).

 

Sur le semoir à maïs, les coutres viennent appliquer l’azote de part et d’autre du rang à 15 cm. Sur celui à betteraves, il y a un coutre par rang qui applique la dose à 10 cm. © P. Denis
Sur le semoir à maïs, les coutres viennent appliquer l’azote de part et d’autre du rang à 15 cm. Sur celui à betteraves, il y a un coutre par rang qui applique la dose à 10 cm. © P. Denis

« Pour l’incorporation dans le sol, j’ai récupéré des socs de semoir à céréales sur lesquels j’ai ressoudé des tuyaux en Inox pour limiter l’usure et la corrosion. Le châssis avant, qui supporte la cuve, provient d’un vieux pulvérisateur Seguip, mais la cuve d’origine de 800 l s’est avérée trop fragile. Au bout de deux ans, je l’ai remplacée par une cuve en plastique. J’estime à environ deux semaines le temps de fabrication. Mais j’ai fait ce travail quand je le pouvais, entre deux chantiers », explique Didier. Quant au coût total de l’outil, l’agriculteur l’évalue entre 1 000 et 1 500 euros.

10 à 30 €/ha gagnés par an

« En adaptant précisément la dose appliquée en fonction de mes parcelles, j’économise entre 10 et 15 unités d’azote par hectare. Je gagne ainsi entre 10 et 30 euros par hectare et par an. Je pense que cette solution est également mieux pour l’environnement, car il y a moins de volatilisation, ce qui signifie moins de gaz à effet de serre rejeté. » En revanche, l’utilisation de l’incorporateur avec les semoirs ralentit le débit de chantier d’environ 20 %.

Sur la route, l’installation pose aussi un souci. Le semoir n’est plus à largeur variable car les tuyaux empêchent les bras de se rétracter.

Paul Denis