Difficile cette année de trouver un bon créneau pour aller dans les champs. Avec la météo exceptionnellement pluvieuse des trois derniers mois (voir carte ci-contre), les retards s’accumulent pour tous les chantiers. À commencer par les semis de printemps. Dans certaines zones, ils ont pu avancer le week-end dernier, mais le temps perturbé de cette semaine n’était pas encore très propice au ressuyage des parcelles gorgées d’eau.

Sols gorgés d’eau

Les semis d’orge sont ainsi très en retard par rapport à la normale, d’environ trois semaines, et le potentiel devrait être entamé. Entre 60 et 80 % seulement étaient effectués au 6 avril. Les parcelles encore en attente sont beaucoup trop humides. « Il vaut mieux retarder un peu le semis pour le faire dans de bonnes conditions afin que les cultures démarrent correctement », alerte un responsable agronomique dans la Somme.

Mais il est parfois trop tard pour implanter les orges, de même que les pois et les féveroles de printemps. Les agriculteurs s’orientent donc désormais vers d’autres cultures comme le tournesol et le maïs, sur des parcelles pas forcément adaptées à ce type de culture. Les coops et négoces disent avoir pris leurs précautions auprès des établissements semenciers pour anticiper les changements d’assolement. « Nous n’avons pu semer que 70 % de nos objectifs en orge de printemps brassicole, constate un opérateur en Maine-et-Loire. Les producteurs vont privilégier davantage le tournesol que le maïs en raison des problèmes d’irrigation. Ainsi les surfaces de tournesol vont progresser de 12 à 15 % cette année… si on arrive à semer ! »

Malgré la hausse des températures, les sols ne sont pas encore suffisamment réchauffés. Il n’y a pas eu beaucoup de plages météo correctes pour reprendre les sols en sortie d’hiver et les retards d’implantation des tournesols et des maïs s’accumulent, sans que cela soit encore catastrophique. « Les semis de tournesol et de maïs commencent tout juste alors que, parfois, il y a un quart de fait, confirme un responsable agronomique en Rhône-Alpes. Les agriculteurs ont des fourmis dans les jambes, mais il faut attendre le bon créneau ! » Des changements de précocité de variétés sont d’ores et déjà prévus en maïs notamment. « Il faudrait 8 jours sans pluie et que le sol se réchauffe à 7-10 °C pour que tout puisse se semer », avance un opérateur dans l’Allier. Or les températures sont encore fraîches le matin.

Herbicides et azote en attente

« Tout le monde est las de ce climat, il est vraiment temps que ça s’arrête ! », s’exclame un conseiller agronomique. Car en plus des débordements de rivière, les nappes sont très hautes et des sources sont apparues en plein milieu de la plaine. C’est le cas, par exemple, en Champagne-Ardenne. « Cela forme des lacs qui peuvent représenter plusieurs hectares, et qui touchent de nombreuses parcelles déjà semées ou non. Il n’y a aucun moyen d’action dessus, et il faudra attendre que la source se tarisse, ce qui peut arriver en avril comme en juin ! », explique un opérateur dans l’Aube.

C’est donc compliqué aussi pour les cultures d’hiver qui manquent cruellement de lumière. Les stades des céréales sont généralement en retard, une à deux semaines environ. L’état végétatif est plutôt bon, mais là où il y a des ronds importants d’eau, le potentiel sera impacté. « Les céréales ont un enracinement limité en profondeur à cause de l’excès d’humidité. Elles sont jaunies et tardent à redémarrer », s’inquiète-t-on en Auvergne. Si les premiers apports d’azote ont généralement été bien valorisés, il est difficile de réaliser le deuxième passage dans les parcelles humides.

Côté désherbage, cela tourne parfois au casse-tête. Dans bon nombre de cas, le pulvérisateur n’a pas pu passer en sortie d’hiver du fait de fenêtres météo peu propices. « On s’attend à avoir des champs très sales, rapporte un conseiller dans le Gers. Il y a eu très peu de désherbages à l’automne car les agriculteurs ne pouvaient pas rentrer dans les parcelles. » Arvalis fait état de « nombreux cas de phytotoxicité, en lien avec les amplitudes thermiques, que ce soit pour du désherbage antigraminées ou antidicotylédones (présence de jaunissement, brûlures du feuillage, ponctuations blanches en lien avec des applications avant période de gel et/ou avec amplitude thermique) ».

Avec la remontée des températures, il faudra être vigilant vis-à-vis des maladies foliaires, et notamment la septoriose dont le « pied de cuve » est jugé important cette année. De la rouille jaune est déjà observée sur blé dans le Sud ainsi que des taches de rouille brune. Le piétin verse est présent dans certaines parcelles des Hauts-de-France, du Centre… La rhynchosporiose est très présente sur les orges.

En colza, l’asphyxie racinaire est le premier facteur limitant cette année. « La floraison démarre progressivement, dans un contexte plutôt frais et très humide, souligne Terres Inovia. La forte hétérogénéité des parcelles sur le territoire est à souligner, avec des situations à bon, voire très bon potentiel, et des situations difficiles (gel, ravageurs, ennoiement…) où le potentiel est compromis. » De nombreux dégâts de larves d’altise et de charançon sont notés dans les parcelles les moins poussantes. Les applications des insecticides n’ont pas toujours été réalisées au bon moment du fait des pluies. La météo des prochaines semaines sera encore plus cruciale que d’habitude et permettra de jauger l’ampleur des dégâts sur les cultures d’hiver et des modifications d’assolement. Le ciel est aussi scruté par les éleveurs gênés pour apporter les fumiers. Ils attendent impatiemment le redémarrage de l’herbe avant les ensilages.