La journaliste Catherine Nay rapporte, dans son dernier livre, ce propos de Jacques Chirac à Pierre Moscovici­ : « Monsieur le Ministre, vous savez que le chocolat est bon pour le moral et pour le sexe. Moi, à mon âge c’est surtout pour le moral, mais vous, vous êtes jeune encore ! »

Michel Barrel, biochimiste au Cirad (1), qui a consacré toute sa vie professionnelle au cacao et au chocolat, et vient de publier un très beau livre, Du cacao au chocolat. L’épopée d’une gourmandise (2), fait peu allusion au caractère aphrodisiaque (ou pas ?) du chocolat, mais consacre tout un chapitre à ses bienfaits pour la nutrition et la santé (excellent antidépresseur, mais pas que !). D’ailleurs, les premiers chocolatiers européens, Menier et Nestlé, étaient des pharmaciens. Dans cet ouvrage, véritable encyclopédie, l’on découvre toute l’histoire de ce petit arbre des dieux qui pousse, depuis la nuit des temps, à l’ombre des grands arbres de l’Amazonie, les multiples et complexes transformations de la cabosse, le fruit qui s’épanouit le long du tronc et dont la pulpe était déjà consommée par les Olmèques 1 000 ans avant J.-C, jusqu’à cette évolution récente vers la qualité qui ressemble au monde du vin à travers la notion de terroir.

L’arôme du chocolat compte, en effet, plus de 500 composés olfactifs ! L’Europe ne découvrira le cacao qu’au XVIe siècle, quand les conquistadors espagnols le ramèneront dans les cours royales européennes. Mais ce que l’on retient surtout à la lecture de ce livre, c’est combien cette gourmandise est aussi un concentré des évolutions du monde, en particulier géopolitiques.

L’Afrique est désormais le principal producteur mondial, et la filière est le reflet des inégalités entre la situation précaire des petits producteurs de cacao et la puissance des multinationales du chocolat sur un produit très spéculatif… Toutefois, comme le note l’auteur, le chocolat est plus qu’une gourmandise, c’est un plaisir noble, artistique, voluptueux. Et ce n’est pas pour rien, conclut-il, que le nom scientifique du cacaoyer signifie « nourriture des dieux ».

(1) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. (2) Éditions Quae, 25 €.