Dans une décision rendue le 30 avril 2025, le Conseil d’État a validé l’arrêté ministériel du 27 février 2023 relatif à la lutte contre les infections à Salmonella — des bactéries responsables de toxi-infections alimentaires chez l’homme — dans les élevages de poules pondeuses et reproductrices. La Coordination rurale et l’Association des producteurs d’œufs de la Haute-Loire avaient saisi la haute juridiction administrative pour demander l’annulation de cet arrêté, estimant qu’il imposait des contraintes disproportionnées, notamment pour les petits élevages.
Des mesures jugées proportionnées au risque sanitaire
Le Conseil d’État a écarté l’ensemble des moyens soulevés par les requérants. Il a notamment jugé que l’application de l’arrêté aux petits élevages se justifiait par « l’objectif de limiter les risques de contamination des consommateurs qui achètent leurs œufs sur les marchés ou auprès de commerçants locaux approvisionnés directement chez les producteurs ».
Les juges ont également validé le seuil de 250 têtes fixé pour soumettre les cheptels au dépistage régulier des salmonelles, estimant qu’il « est fixé en considération de données objectives et non arbitrairement ». Le fait que d’autres États membres de l’Union européenne aient choisi un seuil plus élevé n’est pas suffisant, selon le Conseil d’État, pour remettre en cause la proportionnalité de cette mesure.
La question sensible des tests de confirmation
Un point du contentieux concernait la possibilité de réaliser des analyses de confirmation après un premier test positif. Les requérants craignaient que l’arrêté ne supprime cette possibilité, ce qui aurait conduit à des abattages systématiques potentiellement injustifiés. Le Conseil d’État précise toutefois que l’arrêté « a maintenu la possibilité de réaliser de telles analyses en cas de doute sérieux concernant la contamination des prélèvements », aussi bien pour les poules pondeuses que pour les poules reproductrices. Cette analyse s’appuie notamment sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 19 octobre 2023, qui a précisé les conditions dans lesquelles les autorités peuvent douter des résultats positifs et procéder à des tests de confirmation.
Les organisations requérantes avaient également demandé que le Conseil d’État interroge la CJUE sur la proportionnalité du règlement européen relatif au contrôle des salmonelles. Elles souhaitaient savoir si ce texte, s’il devait être interprété comme interdisant systématiquement les tests de confirmation avant abattage pour les poules reproductrices et les futures pondeuses, serait compatible avec la liberté d’entreprise garantie par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et l’obligation de prise en compte du bien-être animal inscrite dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le Conseil d’État a écarté cette demande, estimant qu’elle était « inopérante » puisque l’arrêté français maintient bien la possibilité de tests de confirmation dans certaines circonstances, rendant ainsi inutile d’interroger la Cour de justice sur ce point.
Restrictions sur les vaccins vivants
La Coordination rurale et l’Association des producteurs d’œufs de la Haute-Loire contestaient également les restrictions imposées à l’utilisation des vaccins vivants contre les salmonelles. L’arrêté ministériel autorise en effet l’utilisation de tous les types de vaccins disposant d’une autorisation de mise sur le marché, mais il établit une distinction entre les vaccins non vivants et les vaccins vivants : les premiers peuvent être utilisés dans tous les élevages, tandis que les seconds sont soumis à des conditions strictes. Seuls les élevages satisfaisant à « un haut niveau de biosécurité » peuvent recourir aux vaccins vivants, en raison du « risque d’excrétion de salmonelles consécutif à la vaccination ».
Les requérants estimaient que la vaccination aurait dû permettre d’alléger d’autres contraintes, notamment la fréquence des dépistages obligatoires. Sur ce point, le Conseil d’État s’appuie sur deux avis scientifiques (ici et là) publiés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) en 2008 et 2017, soulignant que la vaccination des volailles contre les salmonelles « permet de réduire le taux de contamination sur une exploitation ». Mais elle « n’a pas vocation à éliminer la maladie, ni à empêcher la contamination des volailles par les salmonelles ». Le risque d’excrétion de salmonelles consécutif à la vaccination avec des vaccins vivants entraîne un risque réel de contamination de l’homme et de propagation de la bactérie aux élevages voisins. C’est pourquoi seuls les élevages respectant les prescriptions de la charte sanitaire, garantissant un haut niveau de biosécurité, sont autorisés à utiliser ces vaccins vivants.