Installés à Montlevon (Aisne), Fanny et Joseph Peers ont pris en 2023 une décision peu commune en production laitière : fermer la salle de traite environ six semaines par an, pendant la période de tarissement des vaches. « Ce choix mûrement réfléchi nous permet de nous libérer du temps ainsi qu’à nos employés pour les fêtes de fin d’année », exposent-ils. L’hiver dernier, cette trêve a toutefois été décalée pour s’établir du 10 janvier au 20 février. Le cycle de reproduction du troupeau a en effet été perturbé en raison d’avortements dus à la fièvre catarrhale ovine.
Sur cette exploitation de 140 vaches laitières et 157 ha de SAU, la salle de traite a fait son retour en 2022. Une 2x20 en simple équipement a remplacé deux robots de traite installés en 2013. Ces derniers étaient aux yeux de Joseph et Fanny devenus incompatibles avec l’orientation qu’ils ont progressivement donnée à leur élevage. La conversion en agriculture biologique, entamée en 2019, s’est accompagnée d’une forte orientation vers le pâturage. Et surtout, Fanny s’est installée en 2021 avec un projet de transformation et de vente au détail. « Dès lors, l’arrivée du lait en continu dans le tank n’était plus envisageable avec cette activité », explique Joseph.
Vêlages groupés
Pour s’autoriser ce répit hivernal de six semaines, le couple d’éleveurs groupe les vêlages. L’ensemble des vaches met bas en février et mars. Joseph recourt à la monte naturelle réalisée par sept taureaux de races différentes (prim’holstein, montbéliard, jersiais, hereford) renouvelés tous les deux ans. Pour préserver ses mâles et maintenir leur efficacité reproductive, l’éleveur organise des rotations. Les taureaux sont intégrés avec les vaches par deux et ils ne sont pas sollicités pendant deux jours consécutifs. « En période de saillie, j’applique un peu de peinture sur l’attache de la queue des vaches. Cela me permet de vérifier si les taureaux ont fait leur travail et d’estimer les dates de monte ». Le taux de gestation s’élève à 72 % en moyenne.
Joseph et Fanny visent une autonomie alimentaire à 100 %. Le pic de lactation coïncide avec celui de la pousse de l’herbe, qui constitue l’essentiel de l’alimentation des vaches. Le pâturage tournant dynamique a été mis en place. 47 paddocks sont répartis sur 70 ha implantés en trèfle, ray-grass et luzerne. « Les animaux changent de paddock chaque jour et j’utilise l’herbomètre toutes les semaines pour évaluer le stock sur pied », détaille Joseph. La monotraite permet de maximiser le temps passé au pâturage et de limiter l’astreinte quotidienne. Les éleveurs consacrent 2 h 30 par jour à la traite, nettoyage compris.
Cette conduite d’élevage a engendré une baisse de 20 % de la productivité, qui s’établit en moyenne à 3 000 kg de lait par vache et par an. Le coût de production a lui aussi fondu, passant de 130 € à 50 €/1 000 l. « On ne cherche pas à avoir des Formule 1, mais des animaux fertiles et surtout en bonne santé ! » résume l’éleveur.