Tandis que la réforme des retraites arrive ce 6 février 2023 en débat, et jusqu’au 17 février, à l'Assemblée nationale, le cabinet du ministre de l’Agriculture détaille les spécificités du texte concernant les agriculteurs. Marc Fesneau a répondu par écrit aux questions de La France Agricole.

À ce stade, quel bilan faites-vous de la réforme pour les non-salariés agricoles ?  Les agricultrices seront-elles pénalisées par la réforme ?

Les agriculteurs bénéficieront de cette réforme. Au-delà des mesures d'âge, je retiens notamment deux dispositions spécifiques :

  • La revalorisation de la pension minimale (pension majorée de référence, PMR) qui va être augmentée jusqu’à 100 € pour les futurs retraités, alors même qu’elle avait déjà récemment été revalorisée avec la loi Chassaigne 2, notamment pour les périodes cotisées en tant que conjoint collaborateur. Cette revalorisation de la PMR cible les petites retraites et va donc particulièrement bénéficier aux agriculteurs, mais surtout aux agricultrices qui ont les retraites les plus modestes. C'est donc un effort supplémentaire qui est fait pour cette population.
  • L'assouplissement des modalités d'accès aux dispositions de la loi Chassaigne 2 pour les personnes qui justifiaient du taux plein, mais n'avaient pas la durée d'assurance requise pour leur génération. Ces personnes étaient exclues des droits gratuits de ce dispositif. Cela concerne notamment les personnes en situation de handicap qui bénéficient d'une retraite à taux plein, mais qui ne peuvent bénéficier de ces dispositifs de la RCO (retraite complémentaire obligatoire). Cela concerne également les personnes qui partent à l'âge limite de 67 ans, mais ne pouvaient pas bénéficier de ces mesures. C'était un écueil de notre dispositif, il va être corrigé tant pour les nouveaux retraités que pour tous les retraités actuels dans cette situation. On estime environ que 45 000 assurés vont en bénéficier pour un coût d'environ 45 millions d’euros.

Il y a donc des avancées importantes pour le régime de retraite des non-salariés agricoles dans ce projet de loi. 

Le gouvernement s’engage à ce qu’un minimum de 1 200 euros bénéficie aux personnes ayant réalisé une carrière complète, à temps plein, payée au Smic. Envisagez-vous de maintenir cette référence au Smic pour les ressortissants du régime agricole ? Les conjointes retraitées auront-elles accès à une revalorisation ? 

Pour les exploitants agricoles, cet engagement de 1 200 € pour une carrière complète est en réalité déjà mis en œuvre grâce à la loi Chassaigne 1.  Certes, cette loi cible les personnes qui sont chefs d'exploitation, et si nous avons connu des assurés qui ont passé toute leur carrière en tant que conjoint collaborateur, cela ne sera plus le cas demain. En effet, la loi Chassaigne 2 a permis de limiter ce statut à 5 ans et c'est une avancée très importante car ce statut est utile, notamment dans des phases d'installation, mais il ne peut être un statut pérenne. Et l'on observe que, pour les personnes qui ont des carrières complètes, celles qui ont été sous ce statut ont des retraites les plus modestes du fait du faible effort contributif lié à ce statut. Désormais, cette situation ne pourra plus se rencontrer et c'est une vraie avancée. 

Les conjointes actuelles auront bien une revalorisation avec ce projet de réforme puisque la pension minimale va être augmentée. Quand elles partiront à la retraite, elles auront donc une retraite minimale qui sera supérieure à ce qu'elle est actuellement. Pour les conjointes retraitées, je rappelle que la loi Chassaigne 2 a déjà permis de revaloriser principalement ces statuts (pour un coût estimé de 168 millions d'euros) puisque 72 % des bénéficiaires de Chassaigne 2 sont des femmes. 

Quelles mesures envisagez-vous pour les fins de carrière difficile des agriculteurs et la pénibilité ?

La pénibilité est un sujet complexe. Le projet de loi prévoit la création d’un fonds (le FIPU) destiné à lutter contre les risques d'usure professionnelle pour les salariés et en la matière le principal outil est la prévention. Or, au régime agricole, grâce à l'action de la MSA, nous avons déjà un fonds qui agit en matière de prévention : c'est le fonds national de prévention des risques (FNPR). Ce fonds était doté de 140 millions d'euros en 2021 et atteindra 158 millions d'euros en 2025. Il fait déjà énormément de choses pour la prévention dans les entreprises et les exploitations agricoles depuis de nombreuses années. Et, particularité du régime agricole, il vise tant les salariés agricoles que les indépendants.

Le gouvernement prévoit de réformer d'ici à 2024 "l'assiette sociale" des travailleurs indépendants. Les agriculteurs seront-ils également concernés ? Le précédent projet de réforme de 2020 prévoyait une hausse des taux des cotisations retraite compensée par une baisse de la CSG (contribution sociale généralisée). Faut-il s’attendre à des discussions dans le cadre du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) pour 2024 ?

Oui, évidemment, les exploitants agricoles seront concernés. C'est une mesure attendue par la profession et que nous soutenons dans son principe. Comme indiqué par la Première ministre le 10 janvier, une concertation va être menée avec des objectifs clairs : paramétrage de l'assiette, des taux dans un objectif global de stabilité des prélèvements. L'objectif est bien le PLFSS pour 2024. 

Plus globalement, comment voyez-vous l’avenir de la protection sociale agricole ?

C'est indispensable de maintenir une institution en charge de cette protection sociale agricole, la MSA, avec ses particularités (guichet unique, maillage territorial...), et des règles adaptées aux spécificités de cette profession. J’en profite pour remercier tous les agents des caisses de MSA qui œuvrent au quotidien pour accompagner nos agriculteurs notamment face aux crises, et elles sont nombreuses, à travers par exemple la mise en œuvre de nombreux dispositifs d’indemnisation.