« Se lancer dans sa biographie, c’est être prêt à pleurer, à rire, à faire des recherches et à avoir des insomnies », annonce Marie-Agnès de Francqueville. Écrivain public depuis 2012, cette femme d’agriculteur a déjà douze ouvrages à son actif.

Formation

Établie avec son mari Thibault à Trigny, dans la Marne, Marie-Agnès a travaillé pendant vingt ans en clinique. Il y a treize ans, à l’arrivée du dernier de leurs cinq enfants, elle a souhaité faire une pause. « Quand j’étais infirmière, beaucoup de gens me racontaient leur histoire. Des maux aux mots, il n’y a qu’un pas », souligne celle qui étudia les sciences humaines après le bac. Elle va se former à l’Académie des écrivains publics de France et crée son entreprise Écrire ensemble.

« J’emprunte le style de la personne »

Son premier client est un jeune de vingt-quatre ans, malade depuis une décennie. « Les motivations sont diverses, explique Marie-Agnès. Certaines biographies ont un rôle thérapeutique, d’autres visent la transmission familiale, d’autres clament un message ou permettent de se libérer d’un fardeau. » L’écrivaine a ainsi prêté sa plume à une jeune femme qui attestait l’innocence de son père, accusé à tort. Elle a également eu plaisir à relater le parcours d’un couple d’arboriculteurs. « Avec Les Fruits d’une vie, Pierre et Simone Hervé voulaient montrer à leurs descendants toute la valeur du travail. »

Pour chaque missive, Marie-Agnès mène plusieurs entretiens. En général, elle se déplace au domicile des personnes, car 70 % d’entre elles ont entre 70 et 90 ans. « Je les rencontre tous les mois environ, raconte-t-elle. Entre deux, nous échangeons mails et coups de téléphone. Le cheminement d’un livre, c’est neuf mois, comme une grossesse. Il y a toujours beaucoup d’émotion. Je dois rester impartiale et subjective. »

« J’ai vu un fils reprendre contact avec ses parents. »

Une biographie, autoéditée en format poche, coûte en moyenne 1 500 euros. « Les gens sont parfois surpris du montant », constate l’écrivaine. Aussi, propose-t-elle une version sous forme de document relié, moins onéreuse.

Cette femme lumineuse travaille dans l’ombre. Son nom n’apparaît qu’en petit à la fin de l’ouvrage. En feuilletant l’un d’eux, l’amoureuse de la langue française confie : « Je m’adapte au niveau de langage de la personne, j’emprunte son style. » Une fois que la biographie est sortie, l’histoire ne s’arrête pas. Le livre peut avoir un impact positif ou négatif. « J’ai vu un fils reprendre contact avec ses parents », se réjouit-elle.

Marie-Agnès corrige également des thèses, rapports, mémoires, scénarios de films… « Je touche un public plutôt cultivé, dit-elle. Je m’attendais à exercer un métier plus social. Mais, les CCAS (1) développent des réseaux d’écrivains bénévoles qui s’adressent à cette autre clientèle. »

En plus de tenir la comptabilité de la ferme familiale, la jeune femme, passionnée de foot et supporter du Stade de Reims, trouve encore le temps d’être chroniqueuse bénévole pour les Rouges et Blancs. « Je suis uniquement les matchs à domicile », observe celle qui signe dans L’œil du supporter.

Catherine Yverneau

(1) Centre communal d’action sociale.