Est-il préférable d’investir dans des panneaux photovoltaïques en construisant un bâtiment neuf ou en les installant sur une structure existante ? C’est la question que s’est posée Éric Delacour, agriculteur à Aulnois-sous-Laon, dans l’Aisne, au moment où il a réfléchi à son investissement. Mais il n’a pas vraiment tranché puisqu’après avoir construit un bâtiment neuf équipé de panneaux solaires en 2019, il a décidé de couvrir de panneaux photovoltaïques un bâtiment existant en 2021, sur la même surface de 560 m2, et pour la même puissance installée, 100 kWc (kilowatts crête).
Investissements similaires
Deux ans d’intervalle
Si l’on s’en tient à l’installation des panneaux solaires, les deux investissements sont similaires, 98 000 € sur le bâtiment neuf, 93 400 € sur l’autre. La différence ne vient pas du mode d’installation (toiture neuve ou ancienne) mais de l’année concernée. « Deux ans plus tard, le coût des panneaux a légèrement baissé, mais le prix de revente de l’électricité à EDF est passé de 11,19 à 10,23 €/kWh », souligne Éric Delacour. Toutes les toitures de bâtiments existants ne sont pas adaptées à accueillir des panneaux solaires. Elles doivent être orientées au sud. Mais la charpente a parfois besoin d’être renforcée, d’où des frais supplémentaires. Cela n’a pas été le cas chez Éric Delacour.
Raccordement
Le coût de raccordement à EDF est également un poste important. Il varie selon la distance de l’installation au réseau. Il est ici de 12 000 € mais peut monter jusqu’à 50 000 €. L’agriculteur a été obligé de s’acquitter deux fois de ces frais.
Un prêt sur treize ans
Pour financer ses investissements, l’agriculteur de l’Aisne a contracté, dans les deux cas, un prêt sur treize ans. Les frais de fonctionnement de chacune des installations s’élèvent à 2 200 €, 880 € pour la maintenance, 675 € pour l’assurance et 645 € pour le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe). La production d’électricité s’élève à environ 106 000 kWh/an par bâtiment. Elle permet de dégager un chiffre d’affaires de 11 900 € pour la première installation, 10 900 € pour la seconde. La trésorerie nette, une fois l’annuité et les frais déduits, est tout juste positive les treize premières années (voir l’infographie ci-contre). À partir de la 14e année, l’agriculteur espère dégager 9 700 € et 8 700 € par an pour les deux installations. Ce qui donne une trésorerie cumulée sur vingt ans de 78 500 € sur le bâtiment neuf, 65 900 € sur l’autre.
Double intérêt
Le bâtiment neuf amorti
L’idée parfois avancée que la revente d’électricité à EDF paie le bâtiment que l’on construit pour accueillir les panneaux photovoltaïques n’est pas vérifiée ici. Éric Delacour a investi dans un bâtiment polyvalent bien isolé de 191 000 €, un coût nettement plus élevé que les 78 500 € de rentabilité cumulée sur vingt ans. Il estime qu’un bâtiment de même taille, plus léger, adapté au stockage des céréales ou à la mise à l’abri du matériel, serait revenu 120 000 €, un prix encore trop élevé pour être rentabilisé par la seule vente de l’électricité.
En revanche, l’agriculteur considère qu’il gagne en moyenne 10 € par tonne sur les 600 tonnes de blé qu’il stocke chaque année dans son nouveau bâtiment. Par ailleurs, il améliore l’organisation de l’exploitation. Il estime que sur vingt ans la vente d’électricité et le stockage du blé lui rapporteront 198 500 €. Ce qui lui permettra d’amortir son bâtiment.
Crédits carbone
« Nous n’y avions pas pensé jusqu’à présent, mais la production d’électricité permet d’éviter de rejeter 50 tonnes d’équivalent CO2/an par bâtiment, précise l’agriculteur. Revendus 60 €/t, cela devrait nous fournir un revenu complémentaire de 3 000 €/an par bâtiment. Je vais m’y intéresser. »
Blandine Cailliez