Pour Jean-Pierre Alméras, le maire de Lhospitalet, dans le Lot, il n’y a pas une ombre au tableau de la centrale électrique du Sycala, qui associe sur sa commune panneaux photovoltaïques et pâturage des moutons. Mise en place en 2011, elle couvre 15 ha d’une friche de la zone industrielle au sud de Cahors. « Elle est peu visible des alentours, soulignait-il lors d’une visite initiée le 12 mars 2020 par André Delpech, éleveur du département et élu à la Fédération nationale ovine (FNO). C’est aussi une source de revenu non négligeable pour la commune. » Pour André Delpech, ce modèle d’installation est à reproduire. « Il faut envisager ces projets à l’échelle du territoire. Nous sommes déficitaires dans le Lot en production d’énergie. Doit-on, par ailleurs, privilégier l’approvisionnement via une centrale nucléaire très éloignée, lorsque l’on sait que les déperditions d’énergie lors du transport sont très importantes ?, interroge-t-il. Pourquoi exclure ce type d’installation des parcs naturels dans la mesure où les habitants de ce parc consomment aussi de l’électricité. Sinon d’autres territoires doivent produire pour eux. » La proximité et le faible nombre de points de raccordement potentiels du parc photovoltaïque au réseau constituent une limite à la rentabilité des projets.

Un cadre à l’étude

Le photovoltaïque au sol ne fait cependant pas l’unanimité. Bien au contraire. Et tous les projets ne ressemblent pas à celui du Sycala. « Il y a une importante pression des développeurs, constate Grégoire Mas, de la chambre d’agriculture du département. Localement, cela peut provoquer une forte tension autour du foncier. Les fermages proposés par les sociétés productrices atteignent des sommes folles. C’est pourquoi la profession agricole du département travaille à l’élaboration d’une doctrine pour mieux cadrer ces projets. » Seules les surfaces à faible potentiel resteraient éligibles. Seraient donc exclues en particulier les terres de vallées et les zones irrigables. « Il s’agit de garder la maîtrise du fermage, explique Grégoire Mas, de prévoir une compensation aux aides Pac - puisque les surfaces artificialisées deviennent inéligibles -, et de s’assurer qu’une vraie activité agricole perdure. » Une convention tripartite, regroupant chambre d’agriculture, éleveur et développeur d’énergie, formaliserait l’ambition. Un diagnostic d’approche global serait réalisé en amont pour mettre en place un aménagement adapté au travail de l’éleveur, ce qui reste, par ailleurs, un point faible de la centrale du Sycala. Un suivi annuel permettrait de contrôler la réalité de l’activité agricole.

Sur ce point-là, le site du Sycala n’a rien à se reprocher. Richard Marty, éleveur de moutons avec son frère Jean-Claude sur la commune voisine de Lalbenque, se charge de valoriser la ressource fourragère. Il a signé une convention de pâturage avec Valeco, gestionnaire de la centrale. Cette société verse un loyer au propriétaire du terrain, en l’occurrence le Syndicat d’exploitation de la zone industrielle. Pour Richard Marty, le bilan du pâturage est positif. Il estime même qu’une symbiose entre les panneaux et les brebis s’est installée. « Chacun a besoin de l’autre, déclare-t-il. Les brebis évitent que la végétation ne colonise les panneaux et les panneaux apportent de l’ombre aux animaux. » Ils protègent aussi les plantes quand le soleil est trop violent.

Pâturage tournant

« Mon seul regret est de ne pas avoir été associé aux réflexions dès la conception du site, car le pâturage n’a pas été suffisamment pris en compte, déclare Richard Marty. Les panneaux sont placés trop près de la clôture et les allées sont trop étroites. Elles ne permettent pas le passage d’un tracteur pour effectuer un sursemis. Avant l’implantation des panneaux, aucun semis n’a été réalisé alors que cela aurait pu améliorer le potentiel de la flore autochtone. Au final, la ressource est faible, je fais de la cueillette sur le site. » Pour autant, un pâturage tournant strict est mis en place par l’exploitant. Une centaine de brebis sont conduites tous les ans sur le site d’avril à mai en fonction de la précocité. Le 6 mai dernier, 110 brebis avaient déjà consommé une bonne partie de la ressource. « Comme il a plu, un deuxième tour pourra peut-être avoir lieu avant de partir dans une quinzaine de jours (fin mai), ajoute Richard Marty. Le pâturage d’automne reste aléatoire et fonction de la pluviométrie. En tout cas, Martin Vignals, jeune éleveur du département, espère, lui aussi, que le projet en débat sur son secteur verra le jour. À la tête de 160 brebis conduites en bio avec une commercialisation en direct, le pâturage­ du parc photovoltaïque représente une bonne opportunité pour conforter son activité.

Marie-France Malterre