Élodie Amilhat est à la fois dépitée et en colère. La jeune éleveuse installée depuis 2014 dans la commune de Seix, en Ariège, vient de perdre un quart de ses brebis dans un dérochement provoqué par l’ours. Elle fait partie des six éleveurs qui avaient monté huit cent cinquante bêtes sur l’estive du Mont Rouch, dans le Couserans, territoire ariégeois situé à plus de 2 000 mètres d’altitude. À la mi-juillet, deux cent huit d’entre elles sont tombées d’une falaise et une dernière a été retrouvée dévorée en haut du ravin.

Des « attaques permanentes »

C’est le plus gros dommage attribué à l’ours, depuis sa réintroduction dans les Pyrénées en 1996. Et lorsqu’éleveurs et bergers ont tenté de rapatrier les bêtes dispersées, ils ont découvert dix-huit autres victimes d’un premier dérochement. Quelques jours après, le reste du troupeau rassemblé s’est à nouveau disloqué, sans doute à cause d’un autre passage d’ours.

 

« Les brebis sont effrayées par ces attaques permanentes. Elles ne veulent plus rester en montagne, même si nous nous relayons avec les bergers pour les garder, témoigne Élodie. Avec mon compagnon, nous avions monté cent mères tarasconnaises et trente agnelles nées de l’année. Trente brebis sont mortes et, selon le comptage effectué avec l’huissier le 20 juillet, une dizaine étaient perdues. Nous n’avons plus envie de travailler en montagne. »

 

L’ours, lui, n’a peur ni des chiens patous, ni de l’homme. Des promeneurs en aperçoivent tous les jours dans les Pyrénées centrales, où trente-sept des trente-neuf plantigrades répertoriés par l’État ont leur habitat.

Abandonner la montagne ?

Chaque année, dans le Couserans, neuf cents brebis en moyenne sont manquantes à la descente des douze estives. Toutes subissent des prédations, malgré les protections. Sur celle d’Aréou, qui dispose de trois chiens et de deux bergers, 24 heures sur 24, qui dorment dans des cabanes construites près des « couchades » des brebis, cinquante-neuf bêtes étaient mortes ou perdues à la mi-août, un patou avait été tué par un ours et un autre avait disparu.

 

Les éleveurs se demandent s’ils ne devraient pas monter avec des chiens d’attaque pour riposter. En attendant, l’estive d’Aréou se vide. Selon l’Aspap (Association pour la sauvegarde du patrimoine d’Ariège-Pyrénées), elle accueillait auparavant trois mille brebis par an. Il n’y en a plus que huit cents aujourd’hui.

 

« Nous allons toucher 126 € par brebis tuée et 50 € de prime d’exploitation par agneau qui ne naîtra pas, reconnaît Élodie. Mais cela ne prend pas en compte les bêtes perdues, celles qui ont avorté, la perte du patrimoine génétique et tout notre travail en amont. L’abandon des estives va aussi jouer sur notre prime de montagne calculée au prorata des ressources herbagères. Pour nous, c’est une double peine. »